Dans la nuit du 30 au 31 janvier, a été prononcé le verdict du procès de trois médecins belges, qui avaient euthanasié la jeune Tine Nys en 2010 alors qu’elle endurait des souffrances psychiques : ils sont tous les trois acquittés.
Ce procès, que la presse belge nomme « le procès de l’euthanasie » a été le premier du genre depuis sa légalisation en Belgique en 2002. Il s’était ouvert le 17 janvier à la Cour d’assises de Gand.
Tine Nys souffrait d’une dépression à la suite d’une rupture sentimentale qui avait entraîné chez elle un comportement suicidaire ; elle avait alors demandé l’euthanasie à son médecin, la Belgique étant l’un des rares pays au monde qui autorisent l’euthanasie dans les cas de souffrances psychiques.
Selon la loi belge, l’intervention requiert l’accord de trois médecins qui doivent certifier que la demande du patient est claire, volontaire et réfléchie ; la personne qui demande l’euthanasie doit se trouver dans « une situation médicale sans issue et un état de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ».
A la suite de l’euthanasie de Tine Nys, sa famille s’était constituée partie civile, tandis que le ministère public estimait également que les conditions de la loi sur l’euthanasie n’avaient pas été respectées. L’’indépendance des médecins, entre autres, était remise en cause. La famille reprochait aux médecins d’avoir pris une décision hâtive et précipitée, d’autant plus qu’un diagnostic d’autisme venait tout juste d’être rendu en ce qui concernait Tine Nys, deux mois avant son euthanasie, alors qu’elle n’avait même pas été traitée pour cette maladie.
Certains témoignages entendus pendant le procès tendent à remettre en question les parties de la loi belge qui permettent l’euthanasie dans le cas de maladies psychiatriques. « On ne peut jamais être sûr que la situation d’un patient psychiatrique est sans espoir » a déclaré le neuropsychiatre, Ivo Uyttendaele, ex-président de l’Ordre des médecins.
Ariane Bazan, professeur de psychologie clinique à l’Université libre de Bruxelles, qui a témoigné au procès en faveur des familles, considère que le devoir d’informer le patient de son droit à l’euthanasie, qui incombe au personnel médical, nuit souvent aux traitements psychologiques. « Dans ce domaine, il n’est jamais possible de dire à un patient qu’aucun traitement n’est plus possible. Il y a toujours un traitement possible. La possibilité de l’euthanasie sabote même notre capacité de traiter les patients les plus fragiles. Car elle les incite à en finir plutôt qu’à persévérer. Or, la clé d’un traitement, c’est de garder espoir ».
Alors que de nombreuses initiatives fleurissent un peu partout dans le monde pour prévenir le suicide, telles que des journées ou des semaines de prévention du suicide, la société belge se trouve en porte-à-faux : quel message est envoyé aux personnes suicidaires lorsqu’elle propose l’euthanasie aux personnes souffrant de troubles psychiques ?
Selon Carine Brochier de l’Institut européen de bioéthique, « la loi est devenue incontrôlable. On a commencé par les patients en phase terminale. On l’a ensuite élargie aux personnes âgées souffrant de plusieurs pathologies. Ensuite aux personnes menacées de démence, puisqu’une fois la démence en place, l’application de la loi n’est plus possible. Enfin, à la détresse psychologique. On ne s’est pas rendu compte de ce qu’on faisait ».