Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, était l’invité de CNews le 10 septembre 2019 pour débattre sur le sujet de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger.
Verbatim extraits de l’émission :
« La gestation par autrui, c’est une très grave injustice au démarrage, et une transgression par ailleurs de nos lois éthiques :
- Une injustice parce qu’une femme est utilisée, sous un contrat extrêmement fort, avec des interdictions multiples qui portent vraiment atteinte à ses droits fondamentaux. Elle est même obligée de livrer l’enfant à l’issue du contrat, même quand elle s’est reprise, et je l’ai dénoncé dans mon livre « Le temps de l’homme » avec Mélissa Cook.
- Et puis, l’enfant subit une maternité éclatée, et nous savons combien ce qui se passe entre celle qui attend un enfant, qui enfante, et l’enfant qu’elle attend n’a rien d’anodin : on le découvre de plus en plus. Organiser une séparation, un abandon par contrat est absolument contraire aux droits de l’enfant.
Nous avons effectivement des personnes qui transgressent nos lois à l’étranger et qui reviennent en France. Il faut accueillir et respecter ces enfants ; ils ont une filiation tout à fait établie à l’état civil de leur pays d’origine, mais si on encourage – ce qu’a fait le gouvernement encore aujourd’hui, la Chancellerie a indiqué, je le cite, qu’il fallait « fluidifier la démarche des parents » -, le risque est un appel d’air.
Ce ne sont pas de « fantômes de la République », c’est une expression dialectique. Ces enfants ils existent, ils ont leur place en France, ils s’expriment d’ailleurs dans les médias, ils ont un état civil. Par contre, effectivement, la France refuse les « faux », les actes de naissance faussés où l’on escamote totalement la mère qui a porté l’enfant, et où l’on fait croire que la mère c’est celle qui est commanditaire de cette gestation par autrui.
Nous demandons, et c’est pour ça que je manifesterai d’ailleurs le 6 octobre prochain, que la France s’engage pour un moratoire, une prohibition mondiale de cette forme d’esclavage que subissent les femmes dans de nombreux pays.
Si je me mobilise, si je manifeste, c’est parce que je considère qu’il n’est pas juste pour l’enfant d’être délibérément privé de père. (…) J’accompagne des femmes en difficulté, des femmes qui ont des problèmes d’infertilité, et un certain nombre renoncent justement à ce type de procréation [par PMA] parce qu’elles considèrent qu’il n’est pas de leur droit de priver délibérément un enfant de père. Le père est essentiel pour 91% des Français.
Sur la vingtaine de milliers d’enfants qui naissent [chaque année par PMA], 3% seulement naissent de donneurs. Avec la nouvelle configuration, c’est 100% des enfants ainsi nés qui naîtront de donneurs. C’est un changement de paradigme ; c’est un droit à l’enfant qu’on est en train d’instaurer. Ça change totalement les choses, pour moi on marche sur la tête ! C’est à dire que la sécurité sociale, la médecine, vont être utilisées – à mes yeux, détournées – au profit de personnes qui n’ont pas de problèmes d’infertilité, mais juste un désir. La démocratie s’honore lorsque le désir des forts s’arrête là où commence l’intérêt des plus fragiles. Et pour moi il n’est pas dans l’intérêt ni de la société, ni des enfants, qu’on encourage et qu’on finance, sans qu’il y ait de problème médical, la fabrication artificielle d’enfants privés de père. C’est pour nous extrêmement choquant, et notre impôt devrait financer cette injustice !
La loi bioéthique devrait s’intéresser à l’infertilité : elle est croissante, ses causes sont mal connues, les thérapeutiques sont largement oubliées, on se précipite vers l’artificiel qui ne résout pas les problèmes réels des couples. »