Quelques verbatim extraits de l’émission :
“Il y a beaucoup d’amour et de souffrance des deux côtés, dans cette affaire. En 2013, au bout de 21 jours d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation qui leur avait été caché, dissimulé, les parents ont protesté, ils se sont battus, et ils ont obtenu 10 jours plus tard par la justice le retour de cette alimentation et hydratation. Il faut comprendre leur colère ; à partir du moment où on a tenté de faire mourir Vincent Lambert, comment peuvent-ils avoir confiance dans cet établissement hospitalier ?”
“C’est le fond de l’affaire qui m’intéresse, plus que les questions juridiques qui sont lourdes et complexes. Il y a 55 praticiens spécialisés dans ces états dits végétatif chronique ou pauci-relationnel, qui ont protesté parce qu’il n’est pas pris en charge dans un établissement adapté. Il est enfermé à clé, il n’a plus de kiné, plus de sorties depuis 2013.”
“Les parents demandent, avec par exemple Catherine Kiefer, médecin de réadaptation, le professeur Ducrocq, spécialiste de neurologie, que Vincent Lambert soit transféré ; on s’en sortirait par le haut ! Il n’y a ni urgence, ni nécessité à provoquer la mort d’une personne qui n’est pas branchée à des machines, qui respire spontanément, qui n’est pas spécifiquement malade mais gravement handicapée et dépendante, d’où cet imbroglio autour du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. Quel signe va-t-on donner aux 1700 autres patients comparables à Vincent Lambert, si par hasard on provoque sa mort ?”
“L’enjeu est de mettre en place un projet de vie : j’ai visité ces établissements où des spécialistes travaillent depuis des années, organisent de sorties, de la stimulation… Catherine Kiefer, par exemple, a l’expérience d’accompagner ces personnes. Elle dit qu’on ne peut les évaluer et les accompagner que dans un cadre adapté. Le CHU de Reims est dédié aux soins palliatifs, accompagne des personnes essentiellement en fin de vie, et si le projet pour Vincent Lambert est de le mettre en fin de vie, alors il faut effectivement provoquer sa mort.”
“C’est la réalité complexe de notre situation médicale ; on sauve des personnes gravement cérébro-lésées grâce aux progrès de la médecine, offrons-leur les établissements, et ils existent, qui savent les accompagner au long cours et en prennent soin le mieux possible, en sollicitant au maximum leurs réactions quand elles en ont, et en leur donnant un projet de vie dont elles ont besoin.”
“Vincent a été évalué par le professeur Steven Laureys de Belgique, qui dit à quel point on peut se tromper dans l’évaluation de ces situations, et que souvent les personnes qui sortent de ces situations de grande dépendance y avaient trouvé une mystérieuse raison de vivre. On n’a pas à se projeter dans la situation de Vincent Lambert ; je n’ai pas envie d’être dans sa situation, personne n’en a envie. Mais on ne peut pas se projeter. Il y a une grande incertitude sur son état de conscience. C’est être irrationnel que de donner un avis définitif sur son état de conscience.”
“Je suis opposé à l’acharnement thérapeutique et à l’euthanasie, pour une voie médiane d’accompagnement des personnes. Un certain nombre de médecins ont estimé que le fait d’alimenter un patient lourdement dépendant, sans qu’il soit dépendant de machines mais uniquement de cette gastrostomie, n’était pas de l’obstination déraisonnable. Heureusement qu’on n’est pas en train de dire que la gastrostomie serait de l’obstination déraisonnable, sinon toutes les personnes qui sont nourries par ce type de sonde verraient leur vie en danger !”
“En tant que personne engagée auprès de personnes lourdement dépendantes ou handicapées, je m’inquiète de l’idée que nous nous faisons si nous disons qu’une vie comme celle de Vincent Lambert, dont on ne sait pas sa conscience, ne mérite pas d’être vécue.”
“Vincent n’est pas maintenu en vie ; il est juste nourri. S’il a résisté à 31 jours d’arrêt d’alimentation et partiellement d’hydratation, qui avaient pour objet de provoquer sa mort, qu’il a survécu, c’est qu’il y a une vitalité qui nous échappe. On a voulu le faire mourir et il n’est pas mort. C’est paradoxal : notre société s’est battue ces derniers jours pour que les personnes vulnérables soient bien hydratées, qu’elles ne meurent pas. L’hydratation est le minimum qu’on doit à une personne fragile. Là, le but est de provoquer sa mort par arrêt d’alimentation et d’hydratation.”
“Je n’emploie jamais le mot “légume” : le risque est de laisser croire que ces personnes sont comme des végétaux, ce n’est pas le cas. On ne sait pas ce qui se passe dans son cerveau, c’est un mystère.
Le laisser partir, ce n’est pas pareil que de le faire partir. C’est là toute la différence. Je ne suis pas pour l’acharnement thérapeutique : dans certains cas, il faut s’abstenir de réanimations forcenées. Mais une fois que la personne est stabilisée, qu’elle est vivante, 100 % vivante, 100 % dépendante, pour moi il faut prendre soin de cette personne, et ne pas provoquer délibérément sa mort alors qu’elle n’est même pas capable de le réclamer.”