Vincent Lambert : Tugdual Derville, invité de Radio Notre Dame le 21 mai 2019

24/05/2019

Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, était l’invité de Louis Daufresne sur Radio Notre Dame, le 21 mai 2019 pour revenir sur l’affaire Vincent Lambert.

Quelques verbatim extraits de l’émission :

« J’étais au départ de la Marche blanche pour manifester ma solidarité avec cette famille, bien conscient que les souffrances sont des deux côtés, que l’amour est des deux côtés. Cette division est arrivée à partir du moment où Viviane Lambert a découvert, grâce à un de ses enfants, que son fils n’était plus alimenté depuis 21 jours. C’était en 2013. »

« Nous sommes tous, moi le premier, victimes de ce que j’appelle un syndrome de persévération : quand on commence à se tromper, et à plusieurs, avec des médecins, des magistrats… Cela demande beaucoup d’humilité de reconnaître qu’il n’est pas dans un lieu approprié aux patients EVC-EPR comme lui, soit en état pauci-relationnel avec des modes de relation indéfinissables, soit en état neuro-végétatif. Il y a en France, grâce à l’énergie de médecins et soignants très spécialisés, des petites unités dédiées à ces patients, 1700 à peu près, qui ont de graves séquelles de traumatismes crâniens, en général liés à des accidents. »

« Ce matin, si la décision de justice annoncée hier soir par la Cour d’Appel de Paris a été exécutée, il est à nouveau réalimenté, on a cessé cette sédation – en espérant qu’il n’aura pas de séquelles supplémentaires. Cette décision oblige la France à respecter les traités internationaux en matière de droit des personnes handicapées ; le CIDPH de l’ONU a demandé à la France de maintenir les soins dus à Vincent Lambert, de manière conservatoire, ensuite il y aura une évaluation de son état. »

« Ce qui a été très marquant ces derniers jours, c’est que de très nombreux soignants, médecins, notamment dédiés aux états dits EVC – EPR, ont dit à quel point ils étaient prêts à accueillir Vincent Lambert dans leurs établissements, et à quel point ils étaient aussi choqués de toutes les erreurs qu’on lit : qu’il est branché, qu’il y a des machines, qu’il est maintenu en vie… ce qui n’est pas le cas ! Il respire spontanément, il a déjà résisté à 31 jours d’arrêt d’alimentation, avec une hydratation minimale, ce qui dit quelque chose de sa vitalité. »

« Je rends hommage aux soins palliatifs, j’en ai bénéficié pour certains membres de ma famille, mais ce n’est pas le rôle des soins palliatifs que de mettre en situation de fin de vie des personnes qui ne le sont pas, ce serait retourner les soins palliatifs contre eux-mêmes. »

« On peut se demander pourquoi un certain nombre de médecins, j’en connais, par exemple le Pr Xavier Ducrocq, neurologue qui a pu rencontrer Vincent Lambert et qui dit à quel point il faut respecter sa vie, ont été comme mis à l’écart. »

« D’un certain côté, il y a comme une unanimité à prendre soin des plus fragiles. Et d’un autre côté, il y a cette tendance parfois « naturelle » à les rejeter. Le fil est ténu, et si on bascule, comme on l’a fait en Belgique ou en Hollande, dans l’euthanasie, on s’aperçoit que des voix s’élèvent en disant « il vaut mieux dégager un peu tôt pour ne pas coûter trop cher »… »

« Ceux qui revendiquent en France l’euthanasie le font habituellement selon trois critères ; que la personne soit gravement malade, en fin de vie, et qu’elle l’ait demandé. Et Vincent Lambert ne répond à aucun de ces trois critères. »

« C’est un signe d’alerte extrêmement important à relever : cette culture de l’euthanasie va très vite vers l’exclusion des plus fragiles. On passe du droit au devoir, et on finit par ne plus le demander. C’est vraiment le risque, c’est en cela qu’une levée de boucliers est nécessaire. »

« Les personnes se projettent dans l’état de Vincent Lambert ; personne n’a envie d’être comme lui dans un état pauci-relationnel ou neuro-végétatif. Et pourtant, il ne nous est pas demandé de nous projeter dans cet état, mais de le protéger dans cet état, c’est très différent ! »

« Lorsqu’on voit une famille qui exprime tant d’affection et de volonté de continuer le chemin avec leur enfant tel qu’il est, avec ce très lourd handicap, comment lui imposer la mort de cet enfant ? Cela paraît vraiment inhumain. »

« Le regard que nous portons sur les personnes fragiles dit beaucoup de la conception que nous avons d’une vie digne et d’une vie humaine. Il se joue là un choix politique absolument majeur. À Alliance VITA, nous éditons un guide des directives anticipées que nous avons énormément travaillé avec des praticiens… Mais nous ne voulons pas cautionner l’idée d’une sorte de protocolisation par avance de notre fin de vie. Nous ne savons pas la réaction que nous aurions dans telle ou telle situation. Nous insistons pour ne pas rompre la confiance soignants-soignés, continuer le dialogue, et réévaluer en fonction des situations. »

« L’exemple suisse, belge ou hollandais -les rares pays qui ont légalisé l’euthanasie- nous montrent jusqu’à quelles dérives on aboutit… La France a effectivement résisté pour le moment, mais le risque serait ce que j’appelle le syndrome de la ligne Maginot : on dit non à l’euthanasie, mais on laisse pratiquer des formes d’euthanasie qui ne disent pas leur nom. Il faut être extrêmement précis sur la définition : « action ou omission ayant comme intention et comme conséquence de provoquer la mort pour éliminer toute souffrance ». Les critères sont l’intention et le résultat. »

 

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