Prématurité extrême : les prouesses de la prise en charge en néonatalogie

28/03/2019

premature

Un petit bébé japonais né très grand prématuré, à 22 semaines de grossesse (24 semaines d’aménorrhée) et ne pesant que 268 grammes, vient de rentrer chez lui en bonne santé, après 5 mois d’hospitalisation. Un nouveau record a été franchi dans le domaine de la néonatalogie.

Depuis trente ans, la médecine néonatale a réalisé de très grands progrès dans la prise en charge des enfants nés prématurément. Edward Bell, médecin en néonatologie et professeur de pédiatrie à l’Université de l’Iowa (États-Unis) le constate : « Je fais ce métier depuis 40 ans, et j’ai vu le seuil de viabilité reculer d’une semaine tous les 10 ans dans mon hôpital ».

Une naissance prématurée a lieu avant le terme de la grossesse qui correspond à 41 semaines d’aménorrhée (à compter de la date des dernières règles). Un enfant est considéré comme prématuré s’il naît avant 37 semaines d’aménorrhée (SA), soit à 8 mois et demi de grossesse. On distingue trois niveaux de prématurité :

  • la prématurité moyenne qui correspond à une naissance intervenant entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée révolue (7 mois à 8 mois de grossesse),
  • la grande prématurité correspondant à une naissance intervenant entre la 28e et la 32e SA (6 mois à 7 mois de grossesse),
  • et la très grande prématurité pour les naissances intervenant avant 28 semaines, soit en deçà de 6 mois de grossesse.

 

Parmi les traitements permettant les progrès de la médecine néonatale figurent l’invention des surfactants artificiels (facilitant la respiration des prématurés aux poumons immatures), l’injection de stéroïdes à la maman avant l’accouchement, lorsque cela est possible (ce qui aide les poumons du bébé à maturer plus rapidement) ainsi que le perfectionnement des appareils respiratoires. D’immenses progrès ont été réalisés grâce au soin accordé à la relation de l’enfant avec ses parents, en particulier la relation mère-enfant. La présence des parents auprès des enfants est vivement encouragée et facilitée, ce qui améliore grandement le développement des bébés et réduit leur inconfort, en particulier affectif. Le personnel médical encourage le « peau à peau » et les conditions de mise en place de l’allaitement.

La survie et le développement sans séquelles du nouveau-né dépendent de plusieurs facteurs, en particulier l’âge gestationnel, le poids, les conditions de naissance, le sexe et les raisons de la prématurité. Les risques sont liés à l’immaturité globale, en particulier des poumons, du système digestif, du cerveau et du cœur. Le nouveau- né doit pouvoir continuer son développement dans des conditions bien plus difficiles qu’in utero.

Jean-Christophe Rozé, professeur de pédiatrie à l’Université de Nantes explique qu’ « en France, la limite inférieure de prise en charge se situe à 24 semaines d’aménorrhée du fait d’un certain nombre de complications dont on pense qu’elles ne seraient pas acceptées, comme les troubles de cécité ». Pour le vice-président de la société française de néonatalogie « La France est plutôt considérée comme une société handicapophobe, c’est-à-dire qu’elle fait peu de place au handicap. Or, dans la prise en charge des extrêmes prématurés la question n’est pas de faire survivre un poumon, un cœur, deux jambes et deux bras mais bien d’assurer le meilleur développement possible à l’enfant. En d’autres termes, il convient de mesurer les conséquences ultérieures associées à la prématurité ». Mais le professeur de pédiatrie précise qu’ “on a également récemment fait des progrès pour remédier à cette peur du handicap et de difficulté développementale.”

On est train d’évoluer. Notamment, une grande étude, nommée EPIPAGE, a été menée sur les enfants prématurés nés en 2011. Ce professeur explique que « Les résultats initiaux à la sortie de la maternité mettaient en évidence qu’en France, nous étions un peu en retard par rapport à d‘autres pays c’est-à-dire dans tous les centres on ne prenait pas en charge ou peu entre 24 et 25 semaines d’aménorrhée. Pour résumer, comme on n’avait pas de bons résultats, on ne proposait pas aux familles la prise en charge comme on ne prenait pas en charge activement on ne préparait pas bien le fœtus à la naissance, donc on n’avait pas de bons résultats et on était ainsi dans un raisonnement circulaire. On s’est posé beaucoup de questions après cette étude, qui ont conduit à prendre en charge de manière plus active ces enfants à 24 semaines un peu partout en France. Et depuis, progressivement, on abaisse le seuil de prise en charge ».

Deux études très récentes attestent aussi de ces immenses progrès. D’abord, celle du Journal of the American Medical Association détaillant les chances de survie des grands-prématurés en Suède. Le taux de survie des plus petits, naissant à 22 semaines, est passé de 3,6 à 20 %. Les nouveau-nés à 26 semaines survivent, quant à eux, huit fois sur dix.

La deuxième concerne les États-Unis et s’est intéressée à la survie des bébés nés entre 22 et 26 semaines à moins de 400 grammes dans 21 hôpitaux entre 2008 et 2016. 13 % des bébés de cette catégorie ont survécu, le plus petit d’entre eux pesait seulement 330 grammes.

La prise en charge de la prématurité est un problème de santé publique très important.

En France, selon l’INSERM, entre 50 000 et 60 000 enfants naissent prématurément chaque année. Parmi eux, 85% sont des prématurés moyens (32-37 SA), 10% sont des grands prématurés (28-32 SA) et 5% sont des très grands prématurés, nés à moins de 28 SA.

Comme dans de nombreux pays développés, le taux de naissances prématurées augmente régulièrement en France, il est passé de 5,9% des naissances en 1995 à 7,4% en 2010.

Pour améliorer encore la prise en charge de ces tout-petits, le professeur Jean-Christophe Rozé rappelle qu’ « Il y a un élément majeur qu’on a du mal à faire entendre aux autorités, c’est de parvenir à un ratio soignant-soigné extrêmement élevé, c’est-à-dire quasiment une infirmière pour un patient. Actuellement dans la loi c’est une infirmière pour deux patients. Ensuite, tout repose sur un meilleur suivi de ces enfants né prématurés sur le long terme ».

Le professeur Picaud, chef de service de néonatologie et de réanimation néonatale à l’Hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, explique que les taux de survie des très grands prématurés varient donc selon les pays. « En 2005, les chiffres estimaient que la survie des très grands prématurés nés à 24 semaines d’aménorrhée au Japon était de 77%. Elles n’est que de 31% en France, 55% aux États-Unis et 67% en Suède, qui a le meilleur résultat d’Europe. Le Japon est un pays très riche qui peut bénéficier d’un soin au “un pour un” : une infirmière ou un médecin pour un bébé, ce qui autorise de très bons résultats. Les compétences du Japon dans ce domaine sont réputées dans le monde entier. En France, nous n’avons en général qu’une infirmière pour deux bébés en réanimation, puis une pour trois en soins intensifs et, enfin, une pour six en pédiatrie néonatale ».

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