L’article 5 du Projet de loi Justice attribue aux notaires la compétence exclusive pour plusieurs actes officiels, notamment le recueil du consentement des époux ou des concubins en matière d’assistance à la procréation avec tiers donneur ou accueil d’embryon.
Alors que les députés vont réexaminer le texte à partir du 15 janvier prochain, Alliance VITA alerte sur cette disposition dangereuse qui pose des questions éthiques.
1 – Intérêt de l’enfant et filiation
Tous les couples qui ont recours à une assistance médicale à la procréation doivent préalablement y consentir après avoir reçu une information sur cette technique, conformément aux dispositions de l’article L. 2141-10 du code de la santé publique.
- Dans le cas d’une insémination artificielle sans intervention d’un tiers donneur, c’est au médecin qu’il revient d’informer le couple sur le processus médical et de recueillir leur consentement.
- Dans le cas d’une assistance médicale à la procréation avec intervention d’un tiers donneur, les formalités du consentement donné par le couple, posées par l’article 311-20 du code civil, sont plus rigoureuses, compte tenu des conséquences du recours à cette technique au regard de la filiation de l’enfant.
Le consentement donné interdit ensuite, sauf exception, toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation. Celui qui a donné son consentement et qui ne reconnaît finalement pas l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation engage sa responsabilité envers la mère et l’enfant et voit sa paternité judiciairement déclarée.
En cas d’accueil d’embryon, une compétence particulière, attribuée exclusivement à l’autorité judiciaire
Dans sa rédaction actuelle, l’article L2141-6 du Code de la santé publique prévoit au 2ème alinéa que « L’accueil de l’embryon est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire, qui reçoit préalablement le consentement écrit du couple à l’origine de sa conception. Le juge s’assure que le couple demandeur remplit les conditions prévues à l’article L. 2141-2 et fait procéder à toutes investigations permettant d’apprécier les conditions d’accueil que ce couple est susceptible d’offrir à l’enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique. L’autorisation d’accueil est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable. »
- Cette compétence exclusive du juge vise à reconnaître la particularité de ce type de procréation, qui prive l’enfant de tout lien biologique avec l’homme et la femme formant le couple demandeur, et à évaluer l’impact psycho-social d’une telle décision. Cette procédure, plus contraignante que celle prévue pour un don de gamète, se rapproche d’ailleurs de celle de l’agrément pour pouvoir adopter un enfant.
- Supprimer cette disposition, comme cela a été fait par amendement en séance lors de la 1ère lecture à l’Assemblée nationale, pour la remplacer par un simple consentement devant notaire représente un véritable basculement éthique qui porte atteinte à l’intérêt de l’enfant.
Depuis des années, de nombreuses personnes nées d’une PMA avec donneur revendiquent leur droit à connaître leurs origines, ce qui traduit l’importance du lien biologique et son caractère irréductible. Cela démontre également que la filiation est une question d’identité et que le recours au don de gamète ou d’embryon n’a donc rien d’anodin. Aussi, retirer au juge le pouvoir de recueillir le consentement des adultes qui font appel à une telle technique de procréation revient à bafouer l’intérêt de l’enfant alors qu’il y va de l’établissement de sa filiation, acte fondamental s’il en est.
Par conséquent, la compétence judiciaire en matière de filiation doit absolument être maintenue, et plus spécialement en cas d’accueil d’embryon.
2 – Un véritable enjeu bioéthique
Après la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi bioéthique dont la publication du rapport est imminente, un projet de loi sera présenté au Parlement, qui l’examinera dans le courant de l’année 2019.
Aujourd’hui, nul ne peut présager du contenu précis de ce texte et des modifications qu’il est susceptible d’introduire dans notre législation. Il est donc tout à fait prématuré de légiférer sur les modalités du recueil du consentement des époux ou des concubins et, particulièrement justifié d’attendre l’adoption définitive du projet de loi de révision de la loi bioéthique.
Il ne s’agit pas là d’une simple question de méthode, mais bien d’une question de fond.
En effet, on ne peut que s’inscrire en faux contre l’étude d’impact qui exprime que l’on peut modifier ces consentements sans passer par la loi de bioéthique car le débat n’est pas de nature éthique. Or, il l’est dans son objet même, et tout particulièrement pour l’accueil d’embryons et la qualité spéciale du consentement qui est prévue actuellement, dans la mesure où l’embryon n’aura pas de lien génétique avec aucun des deux membres du couple.
On comprend en effet aisément que la PMA avec accueil d’embryon, pour laquelle le consentement du couple demandeur fait l’objet d’une décision judiciaire, relève totalement de la loi de bioéthique et ne peut, en aucun cas, être banalisée.
Une telle déjudiciarisation porterait gravement atteinte à l’intérêt de l’enfant. C’est même cette compétence du juge qui devrait être exclusivement consacrée par le législateur.