Le Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV) a publié, ce mercredi 28 novembre, un rapport prétendant faire le bilan, presque 3 ans après le vote de la loi Claeys-Leonetti, de la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce rapport, intitulé « La pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès du patient rencontre des difficultés » s’appuie sur l’audition d’une quinzaine d’intervenants, dont un médecin belge. En revanche, la SFAP (Société Française d’accompagnement et de soins palliatifs) n’a pas été sollicitée. Ce rapport est donc à considérer avec réserve : il ne s’agit pas d’une analyse objective, ni d’une étude scientifique. Le rapport avance sept paradoxes :
- La sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD) a fait apparaître un nouveau terme dans la loi qui complique l’accès possible à une sédation en fin de vie au lieu de l’élargir.
- Il y a une confusion entre l’euthanasie et la SPCJD.
- L’application de la SPJCD a été confiée aux experts en soins palliatifs qui peuvent considérer que cette pratique peut ne pas être conforme au suivi des patients en fin de vie.
- Le fait que le patient puisse demander l’accès au SPCJD favorise une confusion des rôles au sein de la relation médecin-malade pour une pratique éthiquement sensible.
- Il existe un risque d’incompatibilité de temporalité entre la demande du patient et la mise en œuvre du médecin qui suit les recommandations de bonne pratique.
- Rien n’a été fait pour rendre possible ce type de sédations par les médecins généralistes en milieu urbain : manque de médicaments, de moyens logistiques, d’information et de formation et difficultés organisationnelles et humaines.
- Il demeure des inégalités sur le terrain en fonction des situations et des spécialités.
La vice-présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) qui regroupe 10 000 soignants et 6000 bénévoles, Claire Fourcade, a réagi à ce constat : « Dans son rapport, le Centre fait comme si la sédation profonde était un objectif en soi. Mais dans les services, l’objectif est de soulager les gens avec tous les moyens qui sont à notre disposition, pas d’atteindre un “quota” de sédations ». Elle aurait d’ailleurs apprécié que la SFAP soit aussi consultée lors de la rédaction de ce rapport, ce qui n’a pas été le cas. Elle ajoute « Les équipes n’ont aucune réticence à utiliser avec discernement les techniques de sédations disponibles, profondes ou non, réversibles ou non, à chaque fois que cela est nécessaire ». Le Docteur Claire Fourcade insiste sur une distinction nette entre l’euthanasie et la sédation : « La loi et la Haute Autorité de santé font une distinction très claire. Et aujourd’hui, la confusion n’est entretenue que par ceux qui ont des arrière-pensées ou qui ne connaissent pas bien la question. » Véronique Fournier, qui a en partie dirigé ce rapport, avait été nommée, en catimini, en avril 2016, à la présidence du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, ce qui avait suscité de nombreuses inquiétudes au sein des milieux de soins palliatifs. En effet, elle est adepte de « l’euthanasie palliative », une formule qui entretient de graves confusions. À plusieurs reprises Alliance VITA a mis en garde contre les risques de dérives liées à une interprétation euthanasique de la loi Claeys-Leonetti. Pour lever certaines ambiguïtés, la Haute Autorité de Santé a publié, en mars 2018, des recommandations de bonne pratique pour la mise en œuvre de la « sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ». Ces recommandations sont les conditions et modalités strictes pour mettre en œuvre ce type de sédation. Comme le souligne la SFAP dans un communiqué « Les pratiques sédatives, utilisées dans des situations humaines toujours complexes, ne peuvent être standardisées ou réduites à des protocoles. Elles sont très diverses, de l’anxiolyse à la sédation profonde et continue jusqu’au décès introduite par la loi de 2016. Elles doivent être adaptées aux besoins particuliers de chaque patient. »