Le 24 octobre 2018, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, Caroline Roux, déléguée générale adjointe et coordinatrice des services d’écoute, et Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche, ont été auditionnés par la Mission d’information de la révision de la loi de bioéthique.
Quelques verbatim extraits de l’émission :
Intervention de Caroline Roux
« Le désir profond de beaucoup de couples est de pouvoir être soignés de leur infertilité, et de pouvoir procréer de manière autonome. L’approche de la procréation centrée sur la technique tend à détourner d’une approche proprement médicale visant à soigner ou à laisser du temps. »
« Nous avons noté un glissement progressif de l’approche des médecins de la procréation qui se sentent comme redevables de donner un enfant aux couples, à tout prix. »
« Le manque existentiel exprimé par les enfants aujourd’hui devenus majeurs, doit nous inciter à ne pas banaliser l’AMP avec donneur que ce soit don de sperme ou don d’ovocyte, et à prévenir le plus possible les situations qui conduisent au don de gamètes. »
« Il est préoccupant, que la banalisation de l’AMP tende à détourner des véritables recherches des causes de l’infertilité, pour d’une part mettre en œuvre une véritable politique de prévention et d’autre part de chercher des thérapies de restauration de la fertilité. »
« Des professionnels principalement revendiquent la possibilité pour des femmes jeunes de pouvoir congeler leurs ovocytes pour être assurés d’avoir des enfants plus tard. Nous avons été témoin en France du scandale qu’ont provoqué les sociétés Apple et Google en proposant de rembourser cette congélation à leurs employées américaines et ce faisant, profiter de leur force de travail alors qu’elles sont encore jeunes…Nous sommes devant un risque majeur d’entrave à la maternité par la pression socio-économique. »
« Le volte-face opéré par le Comité Consultatif National d’Ethique qui préconisait il y a un an de ne pas aller vers l’auto-conservation ovocytaire sans raison médicale n’a rien d’éthique. »
« Le principe de précaution s’impose par rapport aux revendications actuelles de légaliser l’insémination ou la FIV avec donneur hors infertilité pour des femmes sans partenaire masculin, qu’elles soient seules ou à deux. »
« Il y a la nécessité de rééquilibrer les politiques de dépistage du handicap, de leur annonce, de la prise en charge du handicap. (…) Nous pensons que la France aurait à progresser dans le regard qui est porté sur le handicap et sa véritable prise en charge et de maintenir la médecine dans le soin et la recherche. »
Intervention de Blanche Streb
« Le régime encadrant la recherche sur l’embryon humain a progressivement évolué depuis la 1ère loi établissant l’interdiction sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. (…) On constate, d’un côté, une érosion permanente et régulière du cadre de la loi protégeant l’embryon humain et, de l’autre, de nouveaux enjeux et perspectives de plus en plus importants, liés aux nouvelles découvertes intervenues ces dernières années. »
« Il semble indispensable d’élargir l’interdit actuel existant pour inclure l’ensemble des modifications susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du génome de l’embryon humain. »
« Il est important d’interdire explicitement la FIV à 3 parents. Des enfants sont déjà nés de cette technique, en dehors de tout radar éthique avec une véritable épée de Damoclès sur la tête, en ce qui concerne leur santé. »
« Les biotechnologies nous font glisser vers un passage au crible de plus en plus accru des embryons in vitro et des fœtus in utero. L’eugénisme, interdit par notre code civil, est un grand principe en souffrance aujourd’hui. »
« Sont évoquées des perspectives d’extension du Diagnostic pré-implantatoire à de plus en plus d’indications et de plus en plus de couples, ce qui risque d’augmenter cette « exigence » ou plutôt ce mythe du « bébé parfait ». »
« La définition nous est très bien donnée par le Conseil d’Etat : L’eugénisme peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Mais il peut aussi être « le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’“enfant parfait”, ou du moins indemne de nombreuses affections graves». »
« Quant aux questions économiques soulevées par cet élargissement de contrôle, de tests, de procréations assistées chez des couples qui ne sont ni malades ni infertiles, le CCNE explique que le surcoût imposé par ces techniques sera à « mettre en perspective des dépenses qu’imposent les traitements et la prise en charge du handicap concerné ». Le modèle de société qui se profile derrière ce calcul fait froid dans le dos…. »
Intervention de Tugdual Derville
« Si la ligne rouge est à nos yeux le basculement vers la PMA, elle contient immédiatement le basculement vers la GPA. »
« La technique de la PMA est l’arbre qui cache la forêt.
La PMA crée 3 inégalités :
– entre les enfants,
-entre les hommes et les femmes,
– entre les femmes elles-mêmes (une seule femme porte l’enfant). »
« Nous voyons des inconvénients majeurs si nous allons vers un marché étatique, financé par l’impôt : un système de technocratie biomédicale peut l’emporter, en termes de pouvoir, sur nos corps et en particulier sur le corps des femmes. »
« Nous avons fait un sondage avec l’IFOP en juin dernier :
61% des Français estiment qu’il faut privilégier le besoin de chaque enfant d’avoir un père en réservant la #PMA aux couples homme-femme ayant un problème d’infertilité. »
« Peut-on dire aux personnes touchées par le handicap « prenez toute votre place dans la société », et d’un autre côté leur dire, si on avait su, on ne vous aurait pas laissés naître ? »
« 100% des personnes diagnostiquées myopathie de Duchenne, 96% des personnes touchées par la trisomie 21 ne voient pas le jour. On ne sait plus ce que ces personnes peuvent apporter à notre société. »
« La technique de la PMA est l’arbre qui cache la forêt. La PMA crée 3 inégalités : une inégalité entre les enfants, une inégalité entre les hommes et les femmes et une inégalité entre les femmes elles-mêmes (une seule femme porte l’enfant). »
« Nous accompagnons des familles monoparentales : 35% vivent sous le seuil de pauvreté. Un des grands enjeux de notre société est cette parité originelle homme-femme ; la paix sociale ne peut être favorisée si les enfants sont amputés de cette dimension paternelle. »