Le 6 juin 2018, l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), organe qui donne un cadre éthique aux professionnels de la santé en Suisse, a publié de nouvelles directives sur l’« Attitude face à la fin de vie et à la mort » actualisant celles de 2004. L’une de ces directives vise à « assouplir » l’aide au suicide.
Ainsi, le médecin pourra désormais apporter une aide au suicide à un patient en proie à une « souffrance insupportable due à des symptômes de maladie et/ou à des limitations fonctionnelles », le critère venant remplacer celui de la « fin de vie ». Avant, le médecin ne pouvait prescrire la potion létale qu’à une personne malade dont la mort était imminente.
De son côté, la Fédération des médecins suisses (FMH) qui rassemble plus de 40 000 membres et fédère plus de 70 organisations médicales, s’y est opposée. « La notion est vague, ce qui pourrait poser des problèmes d’interprétation devant la commission de déontologie. C’est particulièrement problématique pour une décision si importante où aucun retour en arrière n’est possible », a déclaré son président Jürg Schlup. Il n’est pas sûr que cette nouvelle version soit intégrée dans leur code de déontologie même si l’association professionnelle entend prendre le temps d’examiner la situation.
L’un des membres de la sous-commission qui a rédigé ces directives sur la fin de vie, Samia Hurst, admet que la notion de souffrance insupportable est subjective. « Le critère repose sur une évaluation par le médecin. Il doit pour cela se forger la conviction, sur la base de l’histoire du patient et après des entretiens répétés, que ses souffrances sont insupportables. Quelles que soient ses conclusions, il conserve de toute manière le droit de refuser d’assister le suicide. Il garde d’ailleurs toujours cette liberté. On ne peut forcer personne.»
La commission bioéthique de la conférence des évêques de Suisse souligne un aspect très grave de ces directives qui se révélent aux antipodes de l’éthique en modifiant le sens même de la médecine. Chaque soignant pourrait désormais décider, lui-même, si le suicide assisté « intègre des objectifs médicaux ou non ». Jusqu’alors, les directives affirmaient clairement que l’assistance au suicide ne faisait pas partie de l’activité médicale, car « elle était contraire aux buts de la médecine ».
Depuis quelques années, le taux de suicides assistés est en forte hausse en Suisse. L’Observatoire suisse de la santé constate que « Le décès par suicide est un problème de santé publique souvent sous-estimé en Suisse. Il l’est non seulement en comparaison avec d’autres pays – la Suisse fait partie des pays d’Europe qui présentent un taux de suicide supérieur à la moyenne – mais aussi par rapport à d’autres problèmes de santé ».
Pour rappel et information :
En Suisse, l’aide au suicide est admise sous conditions, en se basant sur article 115 du Code pénal qui interdit d’inciter ou de prêter assistance au suicide pour « des motifs égoïstes ». L’euthanasie est interdite.
L’ASSM, créée en 1943, est reconnue par la Confédération comme « institution de promotion de la recherche » ; elle a notamment pour mission de réfléchir sur les questions éthiques. La Commission centrale d’éthique de l’ASSM élabore des directives médico-éthiques qui sont en principe intégrées au code déontologique de la Fédération des médecins suisses (FMH).