Quelques jours après la diffusion d’un communiqué publié par la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM)*, une centaine de professionnels ont réagi prenant la défense des méthodes d’observation du cycle féminin.
Dans le communiqué en question, la FNCGM dénonçait les « méthodes naturelles » de contraception et leur peu de fiabilité en leur prêtant « un taux d’échec de l’ordre de 17 à 20% ». Ces gynécologues établissent un pont entre le recours aux méthodes naturelles et le taux élevé d’avortement chez les jeunes femmes de la tranche 20-24 ans.
En réponse, plus d’une centaine de soignants, médecins, pharmaciens, gynécologues et sages-femmes se sont élevés « pour dire stop à la désinformation autour des méthodes naturelles ». Ils font le point suite au communiqué et aux nombreux articles de presse qui ont suivi sur « de nombreux amalgames » qu’il leur a semblé « important de rectifier pour une information réellement éclairée des femmes ». Un appel a également été lancé le 1er mars. Face notamment à l’amalgame avec d’autres pratiques, ils rappellent que « des méthodes naturelles très fiables existent et font l’objet d’indices d’efficacité scientifiquement évalués et reconnus au niveau mondial ». Elles sont élaborées par des médecins chercheurs et enseignées par des instructeurs accrédités. Ils expliquent aussi que « pour garantir un fort taux d’efficacité, elles nécessitent rigueur, formation et aucun “bricolage” » et témoignent « de la façon dont de nombreuses femmes, de nombreux couples les intègrent aisément à leur vie et en sont parfaitement satisfaits ».
En réalité, le nombre élevé d’avortements en France se rapporte à ce que les pouvoirs publics nomment le paradoxe contraceptif français : 72% des Françaises qui avortent disent utiliser une méthode de contraception quand elles ont découvert leur grossesse, selon l’Inspection générale des Affaires Sociales. Conséquence d’une approche technicienne, l’échec de planification des naissances est devenu plus difficilement acceptable. Il conduit plus systématiquement vers l’avortement, souvent sous la pression masculine, ou familiale pour les plus jeunes. Or « La maîtrise totale de la fertilité est illusoire[1] » : oubli de pilule, grossesses sous stérilet ou sous pilule.
Il faut aussi noter qu’en réalité, le recours à l’avortement dans la tranche d’âge 20-24 est proportionnellement légèrement en baisse entre 2010 et 2016, tout en demeurant le plus élevé. Et comme le montrent les analyses de l’INED, « les normes relatives à la procréation, malgré l’assouplissement et la diversification des modes de vie familiale (Déchaux, 2009), restent contraignantes : à l’impératif d’être en couple pour avoir un enfant (et d’être assurée de la stabilité de la relation conjugale et du consensus entre les deux partenaires sur la décision d’être parents) s’ajoutent des normes relatives à l’âge, aux conditions matérielles d’accueil d’un (nouvel) enfant, à l’espacement « idéal » entre deux naissances, etc. Cet ensemble de normes encadre les pratiques contraceptives et reproductives tout au long du cycle de vie reproductive des femmes, et sont aussi présentes lors de la période de « jeunesse sexuelle » des femmes. Même avec une couverture contraceptive forte, le renforcement des normes sur la maîtrise de la fécondité, l’affirmation de l’IVG comme un droit, et l’allongement de la période de « jeunesse » ont conduit à une hausse du recours à l’IVG aux jeunes âges, entre 18 et 25 ans ».
A l’heure actuelle, le recours à la contraception médicalisée interroge notamment suite à la crise des pilules de 3ème et 4ème génération. Un nouveau courant émerge lancé par des femmes qui souhaitent reprendre possession de leurs corps et revendique une approche plus écologique. La question nouvelle qui se pose aux gynécologues, et plus largement à toute la société, concerne la manière de répondre aux aspirations des femmes pour une approche plus écologique, plus respectueuse de leurs corps. Le débat mérite d’être ouvert mais certainement pas de manière biaisée.
[1] IGAS 2010, rapport sur la pratique de l’IVG en France