Manque de moyens, épuisement du personnel soignant, souffrance des patients, … depuis plusieurs mois des témoignages s’accumulent sur les conditions de vie et de travail en Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Le 30 janvier 2018, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées partout en France dans un mouvement de grève générale inédit pour dénoncer ces conditions de vie. La grève a mobilisé autant les personnels et directeurs d’établissement de structures publiques et privées, que tous les syndicats des salariés, les associations de malades et les familles.
En sous-effectif chronique, les EHPAD n’arrivent plus à pourvoir au bien-être (sécurité et dignité) des patients, de plus en plus nombreux, de plus en plus âgés et qui ont besoin d’être davantage accompagnés. Le taux d’accompagnement dans les EHPAD français est de 0,57 soignant pour un résident, ce qui est peu en comparaison des pays d’Europe du Nord où ce taux est d’un soignant pour un résident.
De plus, les établissements peinent à recruter des aides-soignants. Selon l’Assurance maladie, les taux d’accidents au travail et de maladies professionnels sont en hausse (+2% en un an et +45% en 10 ans), en particulier expliqués par une hausse des lombalgies ou des douleurs au bas du dos. Le taux moyen est de 9,4% ce qui est supérieur au BTP (6%). Le taux d’absentéisme, de « 10% en moyenne », est également préoccupant et entraîne de la fatigue supplémentaire pour les soignants en poste, selon le rapport parlementaire remis en septembre 2017.
En France, 728 000 personnes fréquentaient ou vivaient dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées en 2015, selon la DREES. La population accueillie en EHPAD a évolué ces dernières années, fait observer le rapport parlementaire : « Les personnes rentrant en EHPAD sont âgées en moyenne de plus de 85 ans, et leur temps de séjour est en moyenne de deux ans et demi […]. Elles présentent des pathologies multiples, des complications de maladies chroniques, et souffrent pour certaines d’entre elles de troubles du comportement… »
Lancé il y a plus de dix ans, le plan de Solidarité grand âge (2007-2012) visait à prendre un certain nombre de mesures comme l’amélioration de la qualité de vie dans les maisons de retraite, trouver le choix d’un mode de financement durable pour la dépendance, ou encore la maîtrise des prix de séjour en EHPAD … A l’heure actuelle, même si les moyens alloués aux EHPAD ont augmenté ces dernières années, les moyens mis en œuvre ne semblent toujours pas à la hauteur des enjeux. Comment la France peut-elle mieux faire face au défi du vieillissement de la population ?
S’ajoute à ce contexte une réforme tarifaire, mise en œuvre en application de la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015, qui prévoit d’aligner progressivement les dotations aux EHPAD publics et privés à partir de 2017 et jusqu’en 2023. Très mal accueillie, cette réforme pourrait faire perdre 200 millions d’euros en 7 ans aux établissements publics et obliger de nombreuses structures en difficulté à réduire leur personnel, estime la Fédération hospitalière de France (FHF). En réponse, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a confirmé le maintien de la réforme et annoncé, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale, une enveloppe de 100 millions d’euros alloués aux EHPAD à laquelle se rajoute une enveloppe de 50 millions d’euros supplémentaires pour aider les EHPAD en difficulté (annonce du 25 janvier 2018).
Avec l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement de la population qui en découle, la problématique du grand âge mériterait une réflexion de fond plus poussée ainsi que la mise en place de solutions plus pérennes sur le long terme. La prise en charge de la dépendance est une question majeure de notre société, qui doit nous impliquer tous, pas seulement les pouvoirs publics, mais aussi les familles et la société tout entière.