Dans un avis publié en juillet 2017, le Conseil d’orientation de l’Agence de la Biomédecine (ABM) se dit favorable à instaurer une limite d’âge précise pour avoir recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), en raison des risques médicaux majorés par des grossesses tardives et également dans l’intérêt de l’enfant à ne pas avoir des parents trop âgés.
Le Conseil d’orientation, instance indépendante de l’ABM, a pour mission de la conseiller. Il a conduit cette réflexion en raison du flou qui s’est progressivement installé sur la notion « d’âge de procréer », condition requise par la loi de bioéthique pour être candidats à une technique de procréation artificielle (FIV ou insémination).
Le cadre légal actuel
Que dit la loi ? « L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination » (article L2141-2 du code de la santé publique). De plus, la loi précise que lorsqu’il s’agit de remédier à l’infertilité d’un couple, « le caractère pathologique [de celle-ci] doit être médicalement diagnostiqué ».
La loi française, comme le rappellent les auteurs de cet avis, a placé la notion de projet parental au cœur de l’AMP, tout en précisant que cette dernière « ne renvoie pas seulement à la demande des adultes » (afin de leur donner la possibilité d’avoir un enfant) mais aussi à « l’intérêt de l’enfant », qui a toujours été placé au premier rang des préoccupations du législateur.
Les âges limites recommandés
La question de l’âge se pose de manière renouvelée avec le retard progressif de la maternité et de la paternité d’une part, et la proposition de dons d’ovocytes, présentée comme ultime voie quand des femmes souhaitent enfanter tardivement, d’autre part.
Au terme de sa réflexion, le Conseil d’orientation de l’ABM est favorable à limiter le recours à l’AMP à 43 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes.
Dans la pratique, cette limite est déjà intégrée par la plupart des professionnels, et spécialement par l’Assurance Maladie qui ne rembourse plus, depuis 2005, les parcours d’AMP au-delà de 42 ans révolus des femmes, tant les chances de succès deviennent très réduites au-delà.
L’avis résume ainsi les raisons de ce choix : « Dans un souci, de bienfaisance (ne pas entraîner de risques pour les différents acteurs impliqués ou à venir), d’équilibre mesuré entre l’autonomie de l’individu, l’intérêt de l’enfant à venir et la responsabilité de l’équipe médicale, d’équité (même accès aux soins pour tous), il a paru pertinent au conseil d’orientation de préciser la notion d’âge pour procréer avec l’aide de l’assistance médicale à la procréation. Il ne s’agit pas de mettre une norme abstraite supplémentaire mais bien de faciliter pour les équipes médicales la prise en charge des couples inféconds en clinique quotidienne et d’apporter des informations aux décideurs et politiques chargés de la santé publique. »
Les risques liés à l’âge avancé des parents
Pour se prononcer, les experts ont passé en revue les connaissances médicales les plus récentes relatives à l’âge des parents.
« L’âge est un déterminant important de la mortalité maternelle », qui demeure rare, mais surtout de complications médicales : « Chez les femmes de plus de 45 ans, les risques de survenue de pathologies cardiaques, pulmonaires (embolie), thrombotiques, rénales et infectieuses sont significativement augmentés. Le risque de pré-eclampsie est classiquement augmenté en cas d’une hypertension préexistante à la grossesse mais apparaît double, voire triple, chez la femme primipare de 40 ans et plus ».
Des études récentes montrent que les grossesses avec donneuses d’ovocytes ont des risques de pré-éclampsie 3 fois plus élevés, « posant la question d’un possible conflit immunitaire résultant du don d’ovocyte ». Le pourcentage de nouveaux-nés ayant une complication révèle des taux élevés « par rapport aux taux habituels en obstétrique ».
L’utilisation d’ovocytes de donneuses semble être par elle-même un facteur de risques qui se cumule avec les risques liés à l’âge de la mère. Notons que l’avis n’aborde pas la disjonction entre transmission génétique et filiation, soulignée par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) dans son dernier avis de juin 2017 sur l’AMP, ni les conséquences psychologiques et sociales liées au don de gamètes, porteurs d’hérédité d’un point de vue génétique.
Les risques proviennent également de l’avancement en âge paternel avec des répercussions sur la santé des enfants. Même si la fertilité est continue chez les hommes, « de nombreux travaux ont montré une atteinte de la spermatogénèse chez l’homme âgé » avec pour conséquence notamment une association entre certains syndromes génétiques rares et l’âge du père. Des études récentes font état d’une augmentation des risques accrus d’autisme ou de schizophrénie chez l’enfant dont le père a plus de 50 ans.
Enfin, les membres du Conseil d’orientation ont considéré les travaux cliniques des psychiatres et des psychologues. « Sur le plan psychique, il a été souligné les risques pour l’enfant, en particulier au niveau de l’adolescence ou la fragilité de ces pères peut être une entrave à l’agressivité propre à la phase d’adolescence, avec une relation plus marquée par la honte ou la violence chez les adolescents dont le père a plus de 70 ans, avec chez les filles une plus grande culpabilité et surprotection. Plus de tentatives de suicide et de troubles du comportement alimentaire ont été observés dans cette population d’adolescents. Il a été souligné aussi l’attitude de fuite chez les garçons pour éviter l’affrontement, la recherche de partenaire sexuel plus âgés qu’eux-mêmes.»
La question de la prise en charge par la solidarité nationale est également abordée dans l’avis, qui ne prend pas de position tranchée. Le coût de l’AMP est évalué en France à environ 200 millions d’euros par an. Ne faut-il pas mettre une limite d’âge compte tenu des risques médicaux encourus, des enjeux humains et sociaux pour les enfants, et des contraintes financières de la Sécurité Sociale ? Rappelons que la baisse de la fertilité n’est pas une pathologie, mais une évolution naturelle de l’organisme humain.
Comment éviter le recours à l’AMP ?
Plusieurs pistes sont proposées pour éviter un recours à l’AMP qui demeure un palliatif et ne soigne pas l’infertilité : si 55% des couples auront un enfant en moyenne, 31% seulement en auront au-delà de 35 ans.
- rappeler que « la situation la moins à risque est la procréation à un âge jeune » ;
- « organiser des campagnes d’information sur cette thématique montrant également les limites des techniques d’AMP permettant ainsi de relativiser l’attrait magique que les techniques d’AMP suscitent dans le public mais également chez certains médecins » ;
- mettre en place les conditions pour que les couples jeunes puissent procréer tout en poursuivant leur projet de vie.
Ces recommandations rejoignent celles de l’avis rendu en juin 2017 par le CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’AMP. Il s’agit en effet d’un vrai choix de société, comme cela est souligné dans les dernières pages de l’avis.
Comme le souligne Sylviane Agacinski, citée en référence par le document de l’ABM : « La décision de procréer, de faire naître artificiellement ou d’adopter un enfant, n’est pas de celles qui concernent uniquement ma liberté subjective, mon autonomie, voire mon intimité, mais à l’inverse, de celles qui m’obligent à me demander ce que je dois à l’autre. Du moins si la question éthique est posée, et si l’enfant n’est pas considéré comme un simple objet de désir ».
Depuis plusieurs années, Alliance VITA demande que de véritables recherches soient conduites sur les causes de l’infertilité et la manière de prévenir et de soigner les personnes, pour que les couples puissent préserver à la fois leur autonomie, leur intimité de procréation et l’intérêt des enfants.