Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a annoncé lors d’une conférence de presse le 7 juin 2017 que l’avis du CCNE sur le sujet controversé de la PMA pour les femmes seules ou en couple de même sexe serait rendu avant fin juin.
Le président de la République s’est dit favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes, mais a précisé qu’il souhaitait avancer de manière pédagogique en attendant d’abord l’avis du CCNE. Véritable arlésienne, cet avis est en attente depuis 2013, tant les oppositions se sont faites nombreuses, notamment en écho de la loi sur le mariage des personnes de même sexe. En janvier 2013, le CCNE s’était saisi d’une réflexion globale sur les indications « sociétales » de l’assistance médicale à la procréation. Puis en mars 2013, l’ancien président du CCNE Jean-Claude Ameisen avait annoncé la tenue d’Etats généraux, qui en réalité n’ont jamais été mis en place, sur l’ensemble des problématiques de l’assistance médicale à la procréation. Ce fameux avis du CCNE, attendu depuis l’automne 2013, arriverait donc près de quatre années plus tard.
La loi française réserve le recours à l’assistance à la procréation pour des couples composés d’un homme et d’une femme confrontés à une infertilité diagnostiquée médicalement. La procréation artificielle est un palliatif qui ne soigne pas les couples. Il comporte de graves enjeux éthiques concernant la surproduction d’embryons ou la privation d’une partie de ses origines biologiques, quand il s’agit d’insémination ou de fécondation in vitro (FIV) avec donneur. L’European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology a publié récemment un article de spécialistes européens qui dénoncent un trop grand recours à la FIV non justifié et le mercantilisme autour de sa prise en charge.
Un rapport d’information du Sénat en février 2016, sur les conséquences du recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, concluait qu’il ne fallait pas ouvrir la PMA aux couples de même sexe, car supprimer l’exigence de l’infertilité médicale et de l’altérité sexuelle bouleverserait la conception française de la PMA, en ouvrant la voie à un « droit à l’enfant» et à une « procréation de convenance ». Le Conseil d’Etat en 2009, lors de la préparation de la révision de la loi bioéthique, s’était prononcé également contre le fait de priver délibérément un enfant de père.
Certains médecins, à la fois juges et partis, ont signé en mars 2017 une tribune dans Le Monde dans laquelle ils revendiquaient avoir transgressé la loi, notamment en faisant des PMA avec donneur anonyme pour des femmes seules. Ce lobbying nuit à un débat objectif sur un sujet aussi sensible, qui concerne en premier lieu le droit des enfants. Le professeur Jean-François Mattei, auteur de la première loi de bioéthique, a fortement critiqué cet Appel, soulignant combien cela mettait en cause le rôle du médecin : « Est-il là pour soigner ? Ou pour répondre à toute demande extra médicale ? ». Ces médecins laissent penser qu’il existerait un « droit à l’enfant », « lequel fait entrer l’enfant dans la catégorie des objets. » C’est ce que reflète également la position du Défenseur des droits, Jacques Toubon, auditionné en 2015 au Sénat : il prônait de supprimer la condition d’infertilité et de ne retenir que la notion de « projet parental », porte ouverte également à la revendication de la GPA et faisant fi des droits de l’enfant.
Outre la grave injustice de priver délibérément un enfant d’une partie de son ascendance et de sa généalogie, se pose la question toujours plus prégnante de l’anonymat du don, du remboursement d’un acte sans motif médical, et de l’accentuation d’un marché de la procréation. L’association PMA (« Procréation médicalement anonyme »), créée en France à l’initiative d’enfants nés de dons de gamètes, dénonce depuis sa fondation les abus du système. Le témoignage d’Arthur Kermevelsen dans un ouvrage paru en 2008, « Né de spermatozoïde inconnu », avait levé le voile sur les difficultés et injustices que ressentent certains enfants concernés.
Glisser de la notion d’infertilité « médicale » à celle d’infertilité « sociale », en supprimant la condition que le couple soit formé d’un homme et d’une femme, constitue un grave basculement au détriment de la protection des droits de l’enfant. Caroline Roux, coordinatrice des services d’écoute de l’association, souligne qu’ « il s’agit d’une double peine pour les enfants : à la maltraitance originelle de se voir privés délibérément de leurs origines biologiques, s’ajoute celle d’être coupés de toute relation paternelle. De plus la surenchère est inévitable vers la gestation pour autrui, au nom de la « non discrimination » revendiquée par certains hommes. »
Alliance VITA demande aux pouvoirs publics de s’engager beaucoup plus fortement à rechercher des traitements qui soignent l’infertilité et de mettre en œuvre des véritables politiques de prévention dans ce domaine.