Blanche Streb, directrice des études d’Alliance VITA, est intervenue pendant l’audition publique du 27 octobre 2016 de l’OPECST (Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques). Le thème était : « Les nouvelles biotechnologies : quelles applications, quel débat public ? » et son intervention portait sur les enjeux éthiques et thérapeutiques sur les embryons.
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« Je voudrais examiner avec vous les enjeux éthiques qui émergent avec l’utilisation des nouvelles biotechnologies au travers de leur impact sur l’embryon humain.
1er point
Le 1er enfant génétiquement modifié est déjà né, conçu dans le secret d’un labo, en dehors de tout radar éthique et réglementaire dans un pays où cela n’est pas explicitement interdit. Conçu in-vitro par la technique controversée la FIV-3 parents, par transfert nucléaire pour éviter les maladies mitochondriales.
La communauté internationale s’est retrouvée comme mise « devant le fait accompli », devant le « bébé accompli ». Une fois là, il devient plus difficile de contester la manière dont il a été conçu. Pourtant au moins 5% de mitochondries malades seraient « passées » dans la première cellule fécondée. Cela, et beaucoup d’autres inconnues, pèsent sur la santé future de cet enfant, cobaye à vie de la technique qui a contribué à le concevoir. Le risque est pris : pour cet enfant, pour cette famille. Ne sont-ils pas un peu instrumentalisés ? Le scientifique américain, ayant réalisé cette technique, l’envisage principalement pour pallier à des raisons d’infertilité.
Cette technique n’a guéri personne : elle a fabriqué quelqu’un.
Nous avons été étonnés la manière dont cela a été orchestré, médiatisé, et de ne voir pratiquement pas de contestation d’une telle transgression de la part de la communauté scientifique.
D’autres enfants vont naître en Ukraine par la technique de la FIV-3 parents, mise en œuvre non pas pour éviter une pathologie, mais pour « augmenter la fertilité » du couple commanditaire. Le transfert nucléaire a eu lieu dans des ovocytes de donneuses. Une fille doit naître: les modifications génétiques ainsi enclenchées seront transmissibles aux générations suivantes. Personne n’est en mesure d’en anticiper les conséquences.
Qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un précédent. Comment enrayer cette fuite en avant ?
2ème point
Alliance VITA a fait réaliser un sondage par l’Ifop en mai « les français et la technique CRISPR-Cas9 ».
67% des français se disent inquiets devant l’accélération de l’intervention des scientifiques sur le génome humain. Il faut l’entendre : seuls des cadres éthiques clairs et fondateurs éviteront que la science ne soit discréditée injustement.
Ils sont très majoritairement opposés (78%) à une intervention sur le génome d’un ou de leur propre embryons in-vitro.
À 68%, ils demandent que la France s’engage pour demander un encadrement international de ces pratiques.
La France, pays de droits de l’homme et de la dignité de la personne est dotée de lois bioéthiques, d’institutions capables de débattre. Nous n’avons pas la vision utilitariste de l’être humain que peuvent avoir d’autres pays. Crispr-Cas9 est mis en œuvre sur l’embryon humain dans des laboratoires dans un cadre de recherche: déjà en Chine, Angleterre, Suède. A ce jour, ni sûre, ni efficace, la technique se perfectionnera, est-ce que la tentation n’ira pas un jour jusqu’à l’implantation d’un embryon transgénique, comme avec la fiv 3 parents ?
3ème point
Le régime de recherche sur l’embryon en France a inexorablement évolué depuis que le principe éthique fondateur de l’interdiction totale, présent dans les premières lois bioéthique a sauté. A savoir, « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
Le nouveau régime institué par la loi Santé permet la réalisation de recherches biomédicales dans le cadre de l’AMP « sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation. Dans le but d’améliorer l’efficacité des méthodes d’AMP ou de prévenir ou soigner des pathologies chez l’embryon ». Mais de quoi parle-t-on ? On est en droit de s’interroger.
Une saisine faite au Conseil Constitutionnel a soulevé l’opacité de la formulation « il n’y a aucune précision quant au but de ces recherches. L’encadrement semble imprécis, équivoque et incohérent.
Ce nouveau régime appliqué à l’embryon relève du droit commun des recherches biomédicales, cad du droit commun de la recherche sur la personne humaine.
La science nous enseigne que rien ne change dans la nature de l’embryon. Comment expliquer qu’il passe du statut de matériau de laboratoire à celui de personne, et vice versa, selon que la recherche intervient dans le cadre d’une AMP ou non. Au fond : cette loi Santé n’a-t-elle pas révélé l’artifice de le considérer comme un matériau de laboratoire ?
Comment prétendre se prémunir dans le futur des risques de voir appliquer des modifications génétiques sur l’embryon humain, dans un système flou, variable, ne reposant pas sur des principes éthiques cohérents, stables, ancrés sur la dignité humaine ?
4ème point
Ces nouvelles technologies nous questionnent et nous obligent à approfondir les buts qu’elles poursuivent. Mais aussi les moyens : dont l’un d’eux est l’utilisation de l’embryon humain.
Le débat éthique sur la production, la manipulation, et la destruction d’embryons humains reste ouvert. L’humanisation du regard sur l’embryon est possible, et plus que jamais, nécessaire.
Nous voyons les limites à ne réfléchir à une éthique qui ne concernerait que les applications.
Notre position est de rappeler la nécessité de protéger l’intégrité de l’être humain, dès son stade embryonnaire, contre toute exploitation, qu’elles soient motivées par des intérêts particuliers ou collectifs.
La responsabilité envers les générations futures n’est-elle pas de tout mettre en œuvre dès aujourd’hui, pour que soient garantis le respect les droits de ceux qui verront le jour plus tard ?
Et la nécessité de préserver la sécurité, la santé et le traitement éthique des techniques de procréation. C’est un enjeu sanitaire.
Alors que la thérapie génique avec CRISPR Cas 9 et éventuellement d’autres techniques peuvent se révéler prometteuses pour soigner des maladies, manipuler l’embryon humain, en vue de corriger, transformer, améliorer ses caractères conduit à l’instrumentaliser et à entretenir l’illusion de la suppression de la fragilité. Commencer par vouloir « éviter le pire » conduira inévitablement à prétendre rechercher le meilleur, le bébé parfait ? La sélection des gènes par ces techniques glisse vers un eugénisme dont nous sentons tous la menace.
Ces technosciences appellent un état de vigilance éthique maximal. Le seul véritable « progrès » recherche, de manière indissociable, le bien de l’homme et de l’humanité entière. Il doit être choisi, partagé, raisonné, juste et viser à améliorer la qualité de vie de l’homme sans altérer son environnement et, désormais, sa nature même. »
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>> Retrouvez la 2ème vidéo de l’intervention sur la chaîne YouTube d’Alliance VITA :