La nouvelle composition du Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) est désormais connue : le renouvellement d’une partie de ses membres a fait l’objet d’un arrêté daté du 27 septembre 2016 et publié au Journal Officiel le 5 octobre 2016. Ce renouvellement, prévu par ses statuts, était attendu depuis plusieurs mois car le mandat de la moitié de ses membres était venu à expiration le 13 avril 2016.
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La mission attribuée aux 40 membres de ce comité, nommés pour 4 ans, est d’ « éclairer les progrès de la science, soulever des enjeux de société nouveaux et poser un regard éthique sur ces évolutions. Le CCNE stimule sans cesse la réflexion sur la bioéthique en contribuant à alimenter des débats contradictoires au sein de la société sans jamais la confisquer ».
Ce renouvellement intervient dans un contexte toujours « tendu » sur de nombreuses questions sociétales, notamment concernant l’ouverture de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) aux couples de femmes et aux célibataires. Le président de la République avait déclaré qu’il suivrait l’avis de cette instance sur ce sujet controversé. Cet avis était attendu dès 2013, dans un contexte de mouvement social d’une ampleur magistrale. Jean Claude Ameisen, le président du CCNE qui entame son deuxième mandat, vient de déclarer : «C’est un sujet où nous avançons lentement car c’est la première fois que le CCNE l’examine de manière transversale. PMA pour les femmes seules, pour les couples de femmes, anonymat du don, conservation des ovocytes, GPA : nous revisitons l’ensemble des questions sur les indications sociétales de l’AMP. De nouvelles personnes, de nouveaux regards… cela relance le processus. Nous espérons pouvoir rendre [cet avis] à la fin de l’année ou début 2017 ».
Jean-Claude Ameisen précise en outre qu’il pourrait « organiser des états généraux sur l’ensemble de la loi relative à la bioéthique à l’automne 2017, puis d’écrire un rapport sur le sujet avant que le législateur ne se penche sur la révision des lois de bioéthique ».
On se souvient qu’en 2013, le précédent renouvellement important avait suscité surprise et colère : des personnalités religieuses avaient été évincées au profit de laïcs, et bien des membres qui pouvaient être renouvelés avaient été remplacés par des personnalités de sensibilité de gauche. Ce qui pouvait s’interpréter comme une manœuvre gouvernementale avait fait dire au député Jean Leonetti : « Au lieu de changer d’avis sur ces grandes questions éthiques, le gouvernement préfère changer de comité d’éthique ».
Pour Jean-Yves Nau, médecin et journaliste : « Pour l’heure l’institution est comme au point mort. Aucun avis depuis janvier dernier et un renouvellement des membres qui était attendu depuis avril. Une jachère de six mois… Les plus méchantes des langues voyaient dans cette atonie forcée une manœuvre gouvernementale et présidentielle : ne pas réveiller les clivages sociétaux sur la grande question sociétale de la procréation médicale assistée autorisée aux femmes seules et/ou homosexuelles ; ne pas réveiller l’hydre de la mère porteuse ».
Pour Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA « La première responsabilité des politiques est de protéger la vie et la dignité des plus fragiles. Pour cela, il est important qu’ils soient éclairés par des experts et des sages, en raison de la complexité croissante des sujets induite par les mutations exponentielles des biotechnologies. A condition toutefois que les élus ne se défaussent pas de leur responsabilité biopolitique sur des personnes qui ne sont pas toutes indépendantes et dont certaines sont à la fois juges et parties. Cette responsabilité biopolitique est cruciale aujourd’hui pour l’avenir de l’humanité. Or, l’injonction inhérente à ce genre de comité d’obtenir des Avis consensuels conduit trop souvent soit à « des conclusions de milieu de gué » (c’est-à-dire qu’elles ne se fondent pas sur une vision anthropologique claire mais relèvent du relativisme éthique), soit sur des postures floues, dont l’interprétation suscite des divergences. (cf la notion « d’exception d’euthanasie »). Dans certains cas, la bioéthique devient alors l’art de compliquer des choses simples, comme pour noyer le poisson. Robert Badinter a-t-il eu besoin d’un comité d’éthique pour assumer l’abolition de la peine de mort ? Pour notre part, nous constatons que toute bioéthique qui s’éloigne de l’interdit de tuer comme principe fondateur du pacte social sombre dans l’ambiguïté. Cela ne nous empêche pas de lire avec attention les analyses souvent pertinentes du CCNE et de dialoguer avec certains de ses membres pour obtenir un éclairage réciproque.
Il reste qu’aucun individu, aucune personne morale, ne peut déléguer à autrui ni sa responsabilité, ni les principes qui guident sa conscience ».
Composition complète du CCNE (1 président et 39 membres) :
Douze personnalités entrent pour la première fois au CCNE, et cinq anciens membres renouvelables s’apprêtent à entamer un deuxième mandat.