La face cachée de la FIV-3 parents

28/10/2016

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La « FIV-3 parents » fait beaucoup parler d’elle depuis que la revue « New scientist » a annoncé fin septembre 2016 la naissance du premier enfant génétiquement modifié, conçu par cette technique très controversée qui utilise deux ovules et un spermatozoïde pour concevoir un embryon in-vitro.

Le scientifique ayant réalisé cette transgression sans précédent est le Dr John Zhang, du Centre de fertilité New Hope de New York. Il s’est rendu dans un laboratoire au Mexique, pour se soustraire à toute réglementation, et fabriquer dans le plus grand secret ce bébé à la demande d’un couple venant de Jordanie.

Eviter la transmission d’une pathologie par la mère liée à des organites présents dans l’ovule, les mitochondries,  est depuis toujours le mobile évoqué par les promoteurs de cette pratique. Ce fut notamment le cas lors des débats qui ont eu lieu en Grande Bretagne et qui ont abouti à sa légalisation en 2015, malgré de très nombreuses mises en garde. L’innocuité de cette pratique pour l’enfant à naître n’est pas prouvée.

Lors du meeting annuel de “l’American Society for Reproductive Medicine”, qui s’est tenu le 19 octobre 2016 à Salt Lake City, le Dr Zang, qui a toujours présenté cet enfant comme étant en bonne santé, a révélé que ce n’était finalement pas le cas : une quantité non négligeable de mitochondries défectueuses a été transmise dans la première cellule embryonnaire, et se retrouve donc présente dans chaque cellule du petit garçon. Quels seront les impacts sur sa santé future ?  Le Dr Zhang assure qu’il va bientôt effectuer un examen médical complet du bébé, y compris pour vérifier si les niveaux de mitochondries malades se maintiennent.

Pour de nombreux scientifiques, il y a de fortes préoccupations au sujet de l’innocuité et l’efficacité de la technique. Mais finalement, le mobile compassionnel pour éviter la naissance d’enfants porteurs d’une maladie, très rare par ailleurs, pourrait n’être qu’un alibi pour faire avancer cette technique. Il semble que d’autres motivations soient en cause. L’hypothèse serait la suivante : utiliser un ovule « jeune » pour y intégrer le matériel génétique de certaines femmes, notamment celles chez qui l’âge pourrait expliquer leurs difficultés à être enceinte, permettrait d’augmenter la survie ou la croissance des embryons in vitro.

En février 2016, le Dr John Zhang avait publié une vidéo dans laquelle il saluait l’utilité de la technique en tant que traitement de la fertilité, ne mentionnant que très brièvement son utilisation potentielle dans la prévention de la maladie mitochondriale. Une publication d’octobre 2016 révèle qu’il aurait déjà tenté cette procédure en 2003 en Chine. Trois embryons traités auraient été implantés, la grossesse aurait démarré mais aucun des fœtus n’a survécu : l’un d’eux aurait été avorté par « réduction embryonnaire » au 33ème jour, les deux autres seraient morts respectivement à 24 et 29 semaines de grossesse, par rupture des membranes.

D’autres enfants vont naître prochainement en Ukraine, issus de cette même technique mise en œuvre par le Dr Valery Zukin de la Clinique Nadiya de Kiev. Ces enfants n’ont pas été conçus dans le but de leur éviter une maladie, leurs mères n’en étaient pas porteuses. La FIV-3 parents a ici été utilisée pour améliorer la fertilité du couple. Une femme attend une petite fille, âgée de 28 semaines de grossesse, les modifications génétiques apportées à cette petite fille toucheront également ses propres gamètes, et seront transmissibles aux générations suivantes. Une autre est enceinte de 22 semaines d’un garçon.

Le Dr Zukin a procédé de la façon suivante : l’ovule de la mère et de la donneuse ont tous les deux été fécondés par le sperme du père. Puis, les « pronucleus » (le noyau paternel et maternel contenant le matériel génétique) ont été retirés de l’ovule de la mère et transférés dans l’ovule de la donneuse, duquel les deux pronucléus avaient été retirés. L’idée avancée est que le cytoplasme (le contenu de l’ovule de la donneuse), supposé de meilleure qualité, pourrait améliorer la survie ou la croissance de l’embryon.

Pour le Dr Dean Betts de l’Université Western au Canada, « les raisons pour lesquelles la croissance des embryons des couples en question se stoppait ne sont pas connues, et nous ne pouvons pas affirmer qu’elles ont disparu ; peut-être que c’était un phénomène qui évitait le développement d’embryons anormaux. Cette procédure est trop risquée. Plus de recherches sont nécessaires, et je recommande que nous l’interdisions sur les humains tant que nous n’en saurons pas plus sur la sécurité ».

Le mobile thérapeutique évoqué pour éviter la transmission de maladies rares est donc déjà dépassé. Désormais il semble que le « marché de la fertilité » soit la cible.

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>> Pour en savoir plus sur la technique et les questions éthiques qu’elle soulève, relire la Notexpert d’Alliance VITA.

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