L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a rejeté une recommandation sur la gestation pour autrui (GPA) le 11 octobre 2016, après deux ans de débats sur un texte très controversé.
Cette recommandation demandait au Comité des Ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe d’élaborer des lignes directrices pour protéger les enfants nés par GPA, sans condamner explicitement la pratique même de la maternité de substitution ou gestation par autrui.
Le cheminement de ce texte, progressivement détourné de son objectif, s’est révélé semé d’embûches et de rebondissements, alors que le sujet est emblématique des atteintes aux droits de l’Homme, dont le Conseil de l’Europe se veut être le garant.
En effet, en octobre 2014, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE, représentant 47 Etats-membres et regroupant 820 millions d’habitants) avait inscrit à son ordre du jour une proposition de résolution portant sur les «Droits de l’homme et les questions éthiques liées à la gestation pour autrui ».
Un bras de fer inattendu est survenu dès la nomination du rapporteur de ce texte, car celui-ci a finalement été attribué à la sénatrice belge Petra De Sutter, dont a progressivement été révélé un conflit d’intérêt potentiel. Cette sénatrice est elle-même gynécologue, pratiquant la GPA en Belgique, pays où cette pratique est tolérée mais non légalisée ; des liens professionnels avec une clinique indienne ont été également révélés.
Un premier rapport a été rejeté par la commission des questions sociales le 15 mars 2016. Il recommandait d’encadrer la GPA, alors que cette pratique transgressive va à l’encontre du droit des femmes et des enfants.
Dans un climat tendu, lors d’une réunion de cette même commission le 20 avril 2016, la rapporteure a été reconduite. Elle a alors proposé de rédiger un texte ne correspondant plus à la proposition initiale, en réduisant son étude à la condamnation de la GPA « commerciale » et à la définition d’un cadre juridique pour les enfants nés de GPA.
Lors d’une nouvelle réunion de la commission des questions sociales en juin dernier, l’examen du rapport a alors été suspendu, pour cause procédurale dans la mesure où des recours avaient été engagés par des députés mettant en cause les détournements successifs de ce texte.
Le 21 septembre 2016, un rapport modifié a finalement été présenté par la rapporteure en commission des questions sociales à Paris. Il était accompagné d’un projet de résolution (texte s’adressant généralement aux Etats-membres pour les inciter à agir) et d’un projet de recommandation (texte s’adressant au Comité des Ministres, et donc à travers lui aux gouvernements) : ces textes entendaient condamner uniquement la GPA à visée lucrative, et proposaient l’encadrement d’une pratique de la GPA prétendument « altruiste ». A nouveau, le rapport a été rejeté, ainsi que le projet de résolution. Seule le projet de recommandation a été voté, avec des amendements pour qu’il s’applique à toutes les formes de GPA sans fausse distinction.
Enfin, lors d’une séance plénière le 11 octobre 2016 à Strasbourg, les députés ont rejeté le projet de recommandation, refusant ainsi toute portée au rapport et aux propositions conçus par Petra De Sutter.
Souvent, les textes du Conseil de l’Europe s’élaborent sans que les citoyens européens soient conscients des enjeux et mobilisés. Mais sur ce sujet de la GPA, les ambiguïtés et les manœuvres de la rapporteure ont provoqué l’émergence de voix fortes au sein de groupements citoyens dépassant les clivages politiques.
C’est dans cet élan que le collectif international No Maternity Traffic, dont Alliance VITA est un membre actif, a réuni en quelques semaines plus de 100 000 signataires européens demandant la condamnation explicite de toute forme de GPA. Cette pétition a été validée par le Conseil de l’Europe en mai 2016, et le Bureau de l’Assemblée Parlementaire a demandé qu’elle soit prise en compte dans les débats.
« Nous sommes soulagés que ce texte ait été rejeté, car il s’agissait d’un cheval de Troie qui aurait abouti à encadrer la GPA au niveau international sans en condamner la pratique. La majorité des parlementaires ont su déjouer le piège insidieux de faire accepter la GPA au nom des droits de l’enfant, alors que c’est une pratique qui nuit gravement à l’intérêt supérieur des enfants. La gestation par autrui va à l’encontre du droit des femmes et des enfants. Lucrative ou pas, la maltraitance originelle des enfants ainsi nés ne pourra jamais être réparée, ni l’exploitation des corps des femmes qui constitue une aliénation sans précédent. Nous sommes décidés à poursuivre avec No Maternity Traffic notre engagement pour l’interdiction universelle de la GPA, qui constitue une régression absolue des Droits de l’Homme. »
Voir aussi :
Résultat du vote : http://assembly.coe.int/nw/xml/Votes/DB-VotesResults-FR.asp?VoteID=36189&DocID=16001&MemberID=