Académie de médecine : nier les différences entre les sexes au niveau médical crée des injustices
Le 5 juin 2016, l’Académie nationale de médecine a publié un bulletin d’information intitulé « parité en santé : la recherche scientifique et la médecine ne peuvent plus ignorer les différences biologiques entre les sexes ».
L’Académie estime que « les hommes et les femmes sont biologiquement différents et ne sont pas égaux devant la maladie, et qu’ils doivent donc être pris en charge et traités différemment ».
Elle pose le constat que « plusieurs pays européens ont déjà adapté en conséquence leur recherche scientifique et leurs stratégies thérapeutiques tandis que la France continue d’ignorer ces recommandations sous prétexte de parité ».
Et qu’ainsi, « la primauté donnée au genre sur les réalités du sexe risque de créer une injustice de plus, dont il est du devoir des scientifiques et des médecins de prendre conscience pour alerter et agir ».
Pourtant, « Il est reconnu que les différences liées au sexe déterminent effectivement la prévalence, l’âge d’apparition, la sévérité et l’évolution de nombreuses maladies, le métabolisme, la réponse aux médicaments ou aux régimes et les comportements ».
Pour Claudine Junien, généticienne et membre de l’Académie de médecine, « On veut gommer les différences pour parvenir à l’égalité, alors qu’il faudrait en tenir compte dans la pratique médicale mais aussi en matière de prévention ».
Pourtant, le sexe est déterminé initialement et uniquement de manière biologique. Les différences génétiques interviennent très précocement au cours du développement embryonnaire.
La généticienne précise que, « la parité n’est toujours pas atteinte en matière de recherche biomédicale », les recherches et expériences se font sur des individus de sexe masculin. Par conséquent, “les femmes font 1,5 à 2 fois plus d’accidents secondaires liés aux médicaments que les hommes”.
Prendre ces différences en compte permettrait d’avancer en matière de prévention et de pratique médicale.
Selon le cardiologue Vera Regitz-Zagrosek « les femmes présentent des maladies cardiovasculaires différentes des hommes mais les diagnostics et les traitements ne sont pas adaptés ». Cette indifférence des sexes peut parfois entraîner un retard de prise en charge de l’ordre d’une demi-heure qui peut s’avérer fatal dans le cas d’un infarctus aigu du myocarde par exemple.
D’une médecine indifférenciée à une médecine sexuée ?
Face à ces constats, l’Académie nationale de médecine recommande de procéder à une révision complète des « principes établis de la recherche fondamentale et clinique jusqu’à la pratique médicale et la vie de tous les jours en essayant de faire la part des choses entre les différences biologiques liées au sexe et les contraintes sociales liées au genre ».
En bref, elle préconise de « passer d’une médecine indifférenciée à une médecine sexuée » que ce soit dans la formation, dans la prévention, dans la pratique ou dans la recherche. Cette médecine différenciée doit être « comprise comme un plus pour la santé à la fois des femmes et des hommes ».
Les recommandations de l’Académie de Médecine interviennent alors que la France a pris du retard. L’Allemagne prend en compte ces différences depuis plusieurs années, et des recommandations spécifiques ont été publiées en Allemagne et au niveau de l’Union européenne, sur les maladies coronaires par exemple.
Pour aller plus loin :
– « La médecine nie la différence des sexes… et fait (à tort) du masculin un standard » (Avril 2013) par Peggy Sartre, auteur de «le sexe des maladies».