Insémination post portem : le rapporteur public du Conseil d’état favorable

27/05/2016


insémination artificielle
Le Conseil d’état examinait, ce vendredi 27 mai 2016, le recours d’une femme espagnole qui demande le transfert des gamètes de son mari décédé pour pratiquer une insémination post mortem, ce qui est interdit en France. Le rapporteur public s’est dit favorable, à titre exceptionnel, à cette requête.

Mariana Gonzalez-Gomez, de nationalité espagnole, a perdu son mari italien, Nicola Turri, en juillet 2015 alors qu’ils résidaient en France. Ce dernier était atteint d’un cancer et avait fait congeler son sperme lors d’un premier traitement en 2013. Son avocat a expliqué que le couple avait décidé de se lancer dans un processus de procréation artificielle peu avant son décès et que le mari avait « laissé une sorte de testament dans lequel il souhaite que son épouse puisse utiliser ses gamètes après sa mort. » La jeune femme par la suite a demandé que le sperme de son mari lui soit donné en vue d’une insémination en Espagne où elle réside actuellement et où cette pratique est légale.

L’Agence de Biomédecine s’est opposée à ce que le Cecos de l’hôpital Tenon à Paris fasse le transfert. La loi française autorise l’assistance médicale à la procréation uniquement pour des couples homme-femme vivants et interdit le transfert de gamètes ou d’embryons post mortem. Les gamètes doivent en théorie être détruits à la mort des patients.

Le rapporteur public, Aurélie Bretonneau, évoquant une situation exceptionnelle, a préconisé l’exportation des paillettes de sperme vers l’Espagne. Les plaidoiries des avocats et du Conseil d’Etat se sont appuyées notamment sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la vie privée et familiale. Selon un des avocats, « C’est une atteinte à une liberté fondamentale, celle d’avoir un enfant et d’être parent au sens biologique du terme».

La décision définitive du Conseil d’Etat sera connue dans quelques jours.

Il est important de rappeler que la loi française souhaite placer « l’intérêt de l’enfant au premier rang des préoccupations du législateur » comme l’a rappelé le Conseil d’Etat lors de la révision des lois de bioéthique de 2011 et calquer les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation sur la fonction naturelle de la procréation autant que faire se peut. « L’autorisation du transfert d’embryons post mortem remettrait en cause l’exigence fondamentale, (…) de donner à l’enfant, au début de sa vie, une famille comportant un père et une mère. Enfin, la légalisation de cette pratique, pour un nombre très faible de cas, aurait une grande incidence sur le droit de la famille. »

La position du rapporteur public semble entériner, même à titre exceptionnel, une forme de reconnaissance de « droit à l’enfant » en contradiction avec la loi française, mais aussi envers l’intérêt supérieur de l’enfant, grand oublié de cette question. En effet, est-ce qu’être conçu délibérément orphelin de père, dans la suite du deuil de celui-ci, est dans son intérêt ? Le Conseil d’Etat rappelait pourtant , il y a cinq ans dans le rapport précité, que l’une des raisons profondes de l’opposition française au transfert post mortem était que « l’enfant né d’un transfert post mortem d’embryon risquerait d’être exposé aux facteurs de déséquilibre ou de difficulté psychologique liés à la position d’enfant né du deuil. »

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