L’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) tenait ce jeudi 7 avril une audition publique à l’Assemblée nationale sur les enjeux des nouvelles biotechnologies permises par la modification ciblée du génome avec CRISPR-Cas9.
Cette audition, au programme riche et dense, a été l’occasion de donner la parole à de nombreux experts : cadres scientifiques issus du monde industriel, professeurs, médecins, chercheurs, politologues…
Les deux premières tables rondes se sont intéressées à la « rupture technologique » permise par CRISPR-Cas9 et aux applications potentielles en thérapie génique pour l’être humain. De nombreuses recherches sont d’ores et déjà lancées, et comme l’ont précisé certains intervenants, ces travaux encore au stade expérimental doivent encore lever certains obstacles : effets « hors-cible », études d’innocuité, notamment, qui prendront sans doute encore quelques années avant les premières études cliniques.
La question de l’utilisation sur les cellules germinales (embryon, gamètes), qui constitue l’un des enjeux éthiques les plus importants, a aussi été évoqué.
Blanche STREB, directrice des études d’Alliance VITA, a soulevé la question, déjà proposée par d’autres instances internationales, d’un moratoire sur les cellules germinales. Si les expériences avancent, « la tentation sera très forte de l’appliquer sur l’embryon humain, y compris pour faire naître des enfants dans le futur. (..) Nous le voyons avec ce qui se passe sur la FIV 3 parents ».
Sur ce point, pour Jean Louis Mandel, médecin, généticien à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), « toute innovation humaine est toujours dangereuse. (..) Mais il peut y avoir des applications qui pourront être intéressantes, même si elles seront extrêmement limitées. (…) Sur l’aspect germinal, il faut que la technique s’améliore. Mais il faut garder la possibilité de travailler pour des raisons médicales pour répondre à certaines situations ».
Pour Jean-Claude Ameisen, médecin, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), « un choix libre et informé demande une information ; s’il n’y a pas de recherche, il n’y a pas d’informations, donc la recherche est une priorité. (..) S’il doit y avoir un moratoire, ce sera sur certaines applications, en raison du défaut de connaissance et de recherches. (..) La thérapie germinale pourrait être envisagée comme étant l’objet d’un moratoire ».
Cette audition publique constitue une première étape. Pour Catherine Procaccia, sénatrice, vice-présidente de l’OPECST, « nous sommes à la première marche de l’étude, nous allons travailler encore pendant plusieurs mois sur le sujet ».
(L’ensemble des vidéos des interventions est disponible sur le site de l’Assemblée nationale).