PMA-GPA à l’étranger, les incohérences d’un rapport sénatorial

19/02/2016

Membres de la Commission des lois du Sénat, Yves Détraigne et Catherine Tasca ont présenté, le 17 février 2016, un rapport d’information sur les conséquences du recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, pratiques qui contournent le droit français et portent de graves atteintes aux règles de la filiation et aux droits des enfants.

Cette situation incohérente est créée par « certains couples pour faire naître un enfant, en recourant, à l’étranger, à des moyens interdits en France (PMA avec donneur pour les femmes célibataires ou vivant en couple avec une autre femme, GPA pour les couples formés d’une femme et d’un homme victimes d’une infertilité ou les couples d’hommes), avant de revendiquer ensuite, en France, la reconnaissance de la filiation établie à l’étranger ».

Le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, avait lancé cette mission d’information à l’automne 2014, compte tenu des décisions prises à l’époque par la Cour de cassation sur la PMA et par la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur la GPA, décisions qui remettaient en cause les principes de base de la filiation en droit français. Les solutions préconisées par les deux rapporteurs, qui n’engagent en rien le Parlement ou le Gouvernement, consistent néanmoins à prendre acte pour l’essentiel de ces revirements de jurisprudence, suivant la politique du « fait accompli ». Ce qui était clairement interdit trouverait une issue officielle légale, peu importe désormais la fraude à la loi française.

Une synthèse de ce rapport figure ci-dessous en annexe.

Pour Alliance VITA, si le rapport a le mérite de vouloir renforcer la prohibition de la GPA, il ne met pas fin aux graves incohérences juridiques de ces pratiques et fait perdurer des injustices graves pour les enfants concernés :

  • Pour la PMA, le lien biologique ne serait pas pris en compte en ce qui concerne les origines paternelles de l’enfant, en permettant l’adoption dans un couple de femmes ; par contre, pour la GPA, le lien biologique resterait le critère déterminant, puisque la filiation serait impossible pour la mère d’intention. Pourquoi ce lien biologique serait-il essentiel dans un cas et pas dans l’autre ?
  • Les rapporteurs estiment que, dans les situations en cause, la PMA pose moins de problèmes éthiques que la GPA. Pourtant, l’enfant subit une maltraitance originelle équivalente dans les deux cas, puisque l’objectif reste d’effacer délibérément une des deux filiations d’origine : la filiation paternelle avec la PMA, la filiation maternelle avec la GPA. De plus, pratiquées par des personnes de même sexe, ces techniques privent l’enfant des apports bénéfiques de l’altérité sexuelle. Il faudrait bien davantage prendre en compte ces deux injustices fondamentales, qui vont à l’encontre du véritable intérêt de l’enfant.
  • Le rapport recherche de façon illusoire une nouvelle cohérence juridique, qui s’avère de fait impossible depuis le vote de la loi de 2013 sur le mariage et l’adoption pour les personnes de même sexe. Cette évolution du cadre juridique conduit à une impasse : d’une part, elle détourne les principes de l’adoption et officialise un « droit à l’enfant » ; d’autre part, elle risque d’introduire de nouvelles discriminations entre adultes hommes et femmes, puisqu’elle ouvrirait de facto le droit à la filiation pour deux femmes et la refuserait pour deux hommes.

 

***

Principales propositions du rapport d’information

Le rapport explique tout d’abord comment les lois nationales sont mises en échec par des personnes qui ont recours aux pratiques de PMA ou de GPA à l’étranger. Puis il propose des aménagements de notre législation, en cherchant à concilier le souci de réponses pragmatiques et la défense de principes éthiques.

      * Sur la PMA

Le rapport rappelle le cadre juridique existant actuellement en droit français : l’assistance médicale à la procréation n’est autorisée que pour les couples composés d’un homme et d’une femme, en âge de procréer et présentant une infertilité médicale constatée.

La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe autorise désormais une femme à adopter l’enfant de sa conjointe. Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a ensuite rendu deux avis le 22 septembre 2014 : le recours à une PMA à l’étranger « ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption par l’épouse de la mère, de l’enfant […], dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».

Le rapport considère que cette position de la Cour de cassation présente « un équilibre satisfaisant ». Il en tire les deux conséquences suivantes :

  • Il ne faut plus faire obstacle à ce type d’adoption, d’une part parce qu’en France la filiation s’établit « sans contrôle des conditions de conception de l’enfant», et d’autre part au motif que la PMA « ne pose pas les mêmes questions éthiques que la GPA ».
  • Il ne faut cependant pas ouvrir la PMA aux couples de même sexe, car supprimer l’exigence de l’infertilité médicale et de l’altérité sexuelle bouleverserait la conception française de la PMA, en ouvrant la voie à un « droit à l’enfant» et à une « procréation de convenance ».

 

      * Sur la GPA

Le rapport rappelle la prohibition absolue de cette pratique sur le territoire français, la répression pénale qui s’y rattache, et donc l’impossibilité d’établir en France la filiation qui en découlait. Mais à la suite de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 26 juin 2014, qui condamne la France pour refus de reconnaître la filiation biologique paternelle, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence par deux décisions du 3 juillet 2015. Le Conseil d’Etat a également validé la circulaire du 25 janvier 2013 du ministère de la justice facilitant l’octroi des certificats de nationalité.

Le rapport estime que certains éclaircissements sont nécessaires et précise que dans les débats actuels, deux idées fausses ont circulé : d’une part, les enfants nés de GPA ne sont pas des « fantômes de la République », puisqu’ils peuvent vivre en France sans difficulté sur la base de l’acte civil étranger ; d’autre part, l’instauration d’une prétendue « GPA éthique » ne réduirait pas le recours à la GPA « commerciale » à l’étranger, comme le prouve l’exemple de la Grande-Bretagne. En effet, les Britanniques sont ceux qui recourent en plus grand nombre à la GPA commerciale à l’étranger, alors que ce pays a légalisé la GPA dite non commerciale depuis 30 ans.

Le rapport préconise :

  • de consolider la prohibition de la GPA en renforçant la répression pénale de ceux qui y ont recours, et en engageant des négociations internationales pour que les pays étrangers autorisant cette pratique interdisent aux ressortissants français d’y recourir sur leur sol.
  • de s’en tenir à une lecture stricte des exigences posées par la CEDH, en « autorisant expressément l’enfant, et lui seul (même si cette action sera exercée, en son nom, par ses parents), à faire établir sa filiation dans le respect strict des exigences du droit français », c’est-à-dire uniquement sa filiation paternelle biologique.
  • de refuser, par contre, l’établissement d’un lien de filiation avec le parent d’intention (en fait, la mère d’intention) pour ne pas contredire le droit civil français dans lequel la mère est celle qui accouche.
  • d’interdire toute action d’adoption ultérieure de l’enfant du conjoint, en vue d’établir une filiation d’intention.
  • de faciliter la vie de famille « en permettant au parent d’intention de recevoir une délégation d’autorité parentale pérenne».

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