Ce 1er février 2016, l’autorité britannique de la fertilisation humaine et de l’embryologie, la HFEA, a autorisé une équipe de scientifiques à manipuler génétiquement, pour la première fois au Royaume-Uni, des embryons humains à des fins de recherche. Cette autorisation concerne l’utilisation de la méthode CRISPR-Cas9, qui permet de cibler des gènes dans l’ADN. Il s’agit d’une des toutes premières autorisations de manipulation génétique d’embryons humains de cet ordre.
La demande avait été faite le 18 septembre dernier. Kathy Niakan, qui pilote ces recherches, travaille sur le développement précoce de l’embryon. Elle souhaite étudier les gènes en jeu lors du développement des cellules qui vont ensuite former le placenta, pour essayer de déterminer pourquoi certaines femmes font des fausses couches.
La modification génétique d’embryons à des fins de traitement est interdite au Royaume-Uni. Elle est en revanche autorisée depuis 2009 dans la recherche, à condition notamment que les embryons soient détruits au bout de deux semaines maximum, et cette condition reste valable pour cette autorisation inédite.
Le Royaume-Uni évolue à grands pas sur ces techniques, ce pays était devenu l’année dernière le premier pays à autoriser la conception de bébés à partir de trois ADN différents: la Fiv 3 Parents. Afin d’éviter la transmission de maladies génétiques par la mère biologique, la fécondation est combinée avec l’ovule énucléé d’une donneuse dans lequel est réinjecté le matériel génétique de la mère.
Hugh Whittall, directeur du Nuffield Council on Bioethics, a réagi à cette annonce. Pour lui, « il existe des scénarios possibles dans lesquels les modifications effectuées dans un contexte de recherche – par exemple pour enquêter sur une mutation génétique causant une maladie – pourrait, si elle est devenue juridiquement admissible, être utilisés dans un traitement qui aboutirait à la naissance d’un enfant (…) »
Pour Tugdual Derville « Avec cette autorisation, nous avons l’exemple type d’une transgression Cheval de Troie : la perspective de l’HGM (humain génétiquement modifié) passe par cette manipulation de l’embryon humain, modifié puis détruit. On le traite comme un cobaye en légitimant le sacrifice de sa dignité par la quête d’avancées thérapeutiques. Mais quelle sera la prochaine étape ? La prochaine revendication ? Certes, la technique du CRISPR-Cas9 est prometteuse ; elle laisse entrevoir des progrès de thérapie génique fulgurants. Mais dès lors que l’on touche à l’embryon humain, ou aux gamètes humains, les questions éthiques soulevées sont cruciales. Plus qu’un principe de précaution, c’est l’impératif de protection de tout être humain qui devrait s’appliquer. Cette autorisation démontre que l’état d’alerte est dépassé. Nous risquons l’avènement du bébé à la carte et la modification transmissible du génome humain : ce patrimoine mondial de l’humanité que nous devrions collectivement protéger est en danger. »