GPA : un juge demande de reconnaître les actes de naissance de deux enfants nés d’une mère porteuse en Californie

18/12/2015

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D’après un article d’Europe1 publié le 11 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes a demandé à l’Etat de transcrire les actes de naissance de deux enfants nés d’une mère porteuse dans le cadre d’une GPA en Californie, sur les registres d’état-civil du ministère des Affaires étrangères.

Le juge s’est appuyé sur « l’arrêt Mennesson et Labassée » de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 26 juin 2014. Cet arrêt sanctionne la France pour avoir « porté atteinte au droit au respect à la vie privée » en refusant de transcrire le lien de filiation avec le père biologique sur l’état civil français des enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse. Alors qu’elle avait la possibilité de faire appel, la France n’avait pas contesté cette décision, bien que cette pratique soit interdite sur son territoire. Toutefois, la CEDH ne s’était aucunement prononcée sur le choix des autorités françaises d’interdire la gestation pour autrui.

Les actes de naissance californiens mentionnent la mère d’intention comme mère ayant accouché, ce qui ne correspond pas à la réalité, les enfants étant nés d’une autre femme, la mère porteuse. Le juge des référés, dans son ordonnance rendue le 3 octobre dernier, a  considéré pourtant  que « les faits qui y sont déclarés sont conformes à une décision de justice rendue légalement en Californie, et donnant force exécutoire à un contrat de mère porteuse qui attribue la paternité juridique au père commanditaire et la maternité juridique à son épouse. » Le juge des référés a par ailleurs condamné l’Etat à verser 3.500 euros à ce couple, qui pourtant a enfreint la loi, pour ses frais de justice.

Transcrire ces actes de naissance est un grave glissement de notre Droit. Avant le revirement de jurisprudence  de la Cour de cassation dans ses arrêts du 3 juillet dernier, tous les tribunaux condamnaient la pratique de la GPA, parce que contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes. Les tribunaux refusaient la transcription de ces actes sur les registres français d’état civil, et donc la reconnaissance officielle de la filiation. Il est en effet contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du Code civil.

Transcrire sur l’état-civil la mère commanditaire a pour conséquence de désigner en droit français comme mère une femme qui n’a pas mis l’enfant au monde. Or, le seul moyen d’attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas porté est l’adoption judiciairement prononcée et, précisément, une telle adoption n’est pas envisageable dans le cas de la GPA car elle constituerait un détournement d’institution.

La gestation pour autrui induit des conséquences juridiques, anthropologiques et médicales qui remettent en question des principes juridiques fondamentaux. Cette pratique institue la programmation d’un enfant qui sera séparé – par contrat – de celle qui l’aura porté et enfanté, ce qui ne respecte pas le droit de l’enfant. Une maternité éclatée entre deux, voire trois femmes (génitrice, gestatrice et éducatrice), constitue une grave injustice pour lui. C’est également une injustice pour les femmes porteuses dont le travail s’apparente à une forme d’esclavage, incompatible avec leur dignité. Ceux qui ont eu recours à cette technique à l’étranger ont une grave responsabilité : sans nier la légitimité des enfants concernés à avoir un état civil et une filiation, effacer leur histoire chahutée ne les respecte pas dans leur identité profonde. Faire reposer cette identité sur un mensonge d’adultes n’est pas conforme au véritable intérêt de l’enfant et sera porteur, si l’Etat cautionne cette fiction, d’inévitables contestations futures.

Rappelons, comme le mentionne un rapport du Sénat, que « l’interdiction d’établir la filiation d’un enfant né en violation de la législation française demeure sans doute la sanction la plus dissuasive à l’égard de celles et ceux qu’un désir irrépressible d’enfant conduit parfois à l’aveuglement ».[i]

Le parquet a fait appel de cette décision.

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[i] Rapport d´information sur la maternité pour autrui n° 421 du Sénat (25 juin 2008)

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