L’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d’accorder une autorisation pour un essai clinique de transplantation d’utérus au CHU de Limoges. L’équipe qui travaille ce sujet depuis 1999 a proposé un protocole d’essai clinique incluant huit femmes, il a été approuvé par le comité de protection des personnes (CPP) de la région.
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Les transplantations d’utérus peuvent concerner les femmes souffrant d’une absence congénitale de cet organe (syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser, MKRH qui touche une femme sur 4 500), ou celles ayant dû subir une ablation chirurgicale. Pour espérer obtenir une grossesse, une greffe d’utérus doit obligatoirement être précédée d’une Fécondation In Vitro (FIV) avec congélation des embryons avec les ovocytes de la femme greffée ou ceux d’une donneuse. Pour l’instant, l’ANSM a souhaité limiter l’étude à des femmes qui n’ont pas encore d’enfant.
«La première greffe se fera au mieux fin 2016, avec l’inconnue de la durée d’attente d’un greffon compatible. Ensuite, il faudra attendre un an que la greffe soit stabilisée, avant de mettre en route une grossesse par fécondation in vitro. La première naissance n’aura donc pas lieu avant fin 2018 », explique Tristan Gauthier, gynéco-obstétricien au CHU de Limoges et investigateur principal de l’essai.
Complications pour la mère comme pour l’enfant
La greffe d’utérus se distingue de toutes les autres greffes. « Si l’organe n’est pas vital, c’est celui par lequel la vie est donnée », avaient rappelé les auteurs d’un rapport rendu par l’Académie de Médecine en juin 2015. Dans ce rapport, ils insistaient sur « la complexité de l’acte chirurgical, le dilemme du choix entre donneuse en état de mort cérébrale ou décédée et donneuse vivante et les indications chez la receveuse. Ils décrivaient ensuite le traitement immunosuppresseur avant et pendant la grossesse, les complications plus ou moins graves qui peuvent en émailler le cours et la surveillance particulièrement attentive qu’elles nécessitent. Ils s’interrogeaient sur l’avenir de l’enfant à moyen et long terme, son développement psychomoteur et celui de son système immunitaire et retracaient les nombreuses et délicates questions éthiques que pose la transplantation utérine, des risques courus par la receveuse, du devenir physique et psychologique de l’enfant, enfin du choix entre transplantation utérine et gestation pour autrui et de l’éventualité de dérives ».
Problèmes éthiques
Quant au choix de prélever des utérus sur des donneuses en état de mort cérébrale, « cela procède d’une démarche éthique, celle d’éviter des interventions invasives sur des patientes saines pour prélever un organe non vital aux receveuses ». Mais les médecins espèrent aussi, « en privilégiant des donneuses défuntes, pouvoir accéder à des utérus plus jeunes, et donc plus performants que ceux des donneuses vivantes, généralement des femmes n’ayant plus de projet d’enfant » a souligné le Dr Piver. D’autres sources de donneuses seraient possibles, l’hôpital Foch avait déjà évoqué les transsexuelles femmes devenant hommes.
En octobre 2014, une greffe d’utérus effectuée en Suède avait permis pour la première fois au monde la naissance d’un enfant. Cette équipe avait tenté neuf transplantations réalisées dans le cadre d’un projet, initialement refusé par le comité d’éthique suédois. Parmi ces neuf femmes, huit étaient atteintes du syndrome MKRH et la neuvième d’un cancer du col ayant entraîné le retrait de son utérus. La plupart des greffes avaient été réalisées avec des utérus prélevés sur des mères vivantes pour leurs propres filles. Sur les neuf greffes, deux ont échoué (infections, thrombose), quatre n’ont pas encore donné lieu à des naissances. Mais trois ont abouti. « Trois naissances sur neuf tentatives, c’est presque aussi bien que les techniques de procréation médicalement assistée », analysait alors le Dr Tristan Gauthier.