Devant les bienfaits de la techno-science et ses développements parfois démesurés, la reconnaissance de notre finitude doit-elle s’effacer ? Un monde utilitariste de dopage de performances aux dépens de l’équilibre de nos êtres voudrait nous inciter à renoncer à la valeur positive de nos limites. Surfant sur le monde virtuel, le transhumanisme et, en perspective, le post-humanisme refusent le corps vulnérable pour diviniser un homme augmenté incorruptible.
Pourtant la fécondité du présent d’un accompagnement solidaire n’est-elle pas plus dense qu’un allongement de vie non habité de sens ? Combien l’accueil consenti d’un chemin de fragilité est porteur de fruits comme nous le partage si bien A.D. Julliand dans son témoignage ‘Une journée particulière ‘ où l’amour de leur enfant malade atteste de la beauté d’une épreuve traversée ensemble. Face à cette fragilité extrême, le cœur de la relation familiale consiste en un renouvellement permanent ‘nourri d’amour reçu et enrichi d’amour donné’ : un véritable appel à ne jamais sous-estimer la puissance de la parole et du geste, caractéristiques de notre nature humaine et éveillés par la vulnérabilité d’autrui. A partir du regard qui laisse filtrer la bonté dans une quête de réciprocité, peut se déployer une capacité d’amour consentie intégrant la vulnérabilité du corps de l’autre.
Dans cette épreuve, le corps et l’esprit de la personne demeurent conjugués, loin de se résumer à une imperfection qu’il conviendrait de traquer pour prétendre à un monde idéal et irréel. La réceptivité et l’accueil du don contribuent foncièrement à un élan intérieur qui signifie le refus d’une toute-puissance de volonté et le choix résolu d’une joyeuse altérité : sont alors rejoints le fondement de notre service réciproque et le signe de notre finitude. N’est-ce pas une manifestation de la ‘singularité partageable de l’expérience intérieure’ (J. Kristeva) d’un humanisme indigent ?
Gilles ANDRE-POYAUD, marié et père d’un garçon.
Physicien de formation et de métier.
Parcours universitaire de bioéthique.