Qui aurait-pu penser que le début du XXIème siècle serait marqué par une régression archaïque d’exploitation de femmes « fantômes », réduites à produire des enfants pour autrui (GPA) ?
Qui aurait pu penser qu’en France un ministère de la Justice impose à ses greffiers de fermer les yeux sur la violation de la loi, qui transforme des femmes et des enfants en objets de contrat ? Qui peut accepter de mettre la vie d’une femme, pendant 9 mois, sous la domination de commanditaires qui contrôlent leur intimité pour obtenir un enfant selon une charte de qualité ? Que les femmes soient consentantes ou pas, rémunérées ou pas, la Gestation Pour Autrui (GPA ) constitue une grave atteinte à l’intégrité des personnes, à la non instrumentalisation du corps de la femme et à la non marchandisation des enfants.
Imagine-t-on notre ministère de l’Industrie donner son estampille à l’importation de produits fabriqués par des ouvriers esclaves à l’étranger en toute connaissance de cause, ou notre ministère de la Santé accepter des dons d’organes de personnes dans une grande précarité dans les pays moins favorisés ?
Il ne s’agit pas de stigmatiser les enfants nés de mères porteuses. Au contraire, l’enjeu est de protéger l’intérêt de l’enfant. La question de l’acquisition de la nationalité française est un faux problème : en vertu de l’article 21-12 du Code civil, un enfant recueilli en France depuis 5 ans peut réclamer la nationalité française, sans relation avec son mode de procréation. L’intérêt de l’enfant, c’est qu’on ne bricole pas sa procréation, ses origines et sa filiation. N’inversons pas les rôles : ce sont les commanditaires qui provoquent cette maltraitance originelle, pas l’Etat français.
Il ne s’agit pas non plus de passer sous silence le douloureux désir d’enfant de femmes qui, pour des raisons médicales, ne peuvent porter des enfants. Il est essentiel qu’elles puissent être accompagnées mais il y a des limites à ne pas franchir : c’est ce qui peut les aider le mieux à envisager les choses autrement, à ne pas enfreindre les règles fondamentales de la dignité humaine. La médiatisation de formes de procréation en tout genre qui fleurissent mondialement, quels qu’en soient les moyens, ne font qu’aggraver la souffrance des personnes ayant des difficultés à procréer. Nous en sommes témoins dans notre service d’écoute SOS Bébé. Il faut prendre du temps avec ces personnes pour qu’elles ne soient pas conduites dans des chemins de traverse dont elles n’avaient pas réalisé tous les écueils.
Comment ne pas être étonné par la complaisance des médias, ces derniers jours, à montrer des hommes ayant eu recours à la GPA pour eux-mêmes de manière illicite ? C’est extrêmement blessant pour les femmes : cela constitue le summum de leur déni et de leur exploitation. C’est si injuste pour les enfants privés délibérément de relation maternelle. Rappeler qu’il n’y a pas de « droit à l’enfant » est une exigence qu’on doit à ces hommes, pour leur éviter d’enfreindre les droits de l’enfant.
Pourtant la circulaire Taubira de janvier 2013, comme le refus de faire appel de la décision de la CEDH de juin 2014, constituent une caution implicite de la gestation pour autrui.
L’expression « les femmes et les enfants d’abord » prend un particulier relief dans ce contexte.
Des citoyens européens s’engagent contre « le trafic de la maternité » pour encourager les décideurs politiques à avoir le courage de stopper des pratiques contraires aux droits de l’homme. Soutenons-les en les rejoignant sur www.nomaternitytraffic.eu. Avec eux, réaffirmons qu’on ne peut disposer du corps d’une femme, qu’on ne fait pas « fabriquer » des enfants par une autre : les femmes ne sont pas à louer et les enfants ne peuvent être achetés ou donnés.