Un homme de 50 ans, détenu en prison depuis près de 30 ans, a demandé et obtenu d’être euthanasié prochainement dans un hôpital belge, faute d’accéder à des soins psychiatriques.
Frank Van Den Bleeken est détenu pour le viol et le meurtre d’une jeune fille. Depuis trois ans, il demandait soit d’être transféré vers un établissement néerlandais spécialisé pour détenus psychiatriques, soit d’être euthanasié en invoquant des « souffrances psychiques insupportables », un critère reconnu par la loi belge. La cour d’appel de Bruxelles a jugé que la ministre de la Justice n’était pas compétente pour décider d’un éventuel transfert aux Pays-Bas et a refusé cette option. Le détenu a alors attaqué en justice la ministre pour obtenir d’être euthanasié. Le 15 septembre, un accord a été trouvé entre le ministère de la Justice et l’avocat du détenu, pour que ce dernier soit transféré dans un hôpital pendant 48h afin d’y être euthanasié.
Les réactions d’indignation et de gêne se sont multipliées après cette annonce, dans les milieux judiciaires et politiques comme dans la société civile. Pour Carine Brochier, directrice de l’Institut Européen de Bioéthique (IEB), « l’euthanasie pour des cas psychiques est de plus en plus acceptée en Belgique. La dépression, le manque de sens à la vie, la solitude poussent des gens à demander à mourir(…). C’est avant tout un immense échec de la psychiatrie belge. C’est une peine de mort inversée ».
Un premier cas d’euthanasie en prison a eu lieu en 2012, concernant un homme condamné à une lourde peine et très malade. Dans le prolongement de cette affaire, une quinzaine de détenus auraient déjà fait une demande similaire. L’euthanasie dans le but de mettre fin à une détention en prison représente ainsi une nouvelle extension du champ d’application de la législation belge, après le vote d’une loi début 2014 autorisant l’euthanasie des mineurs sans limite d’âge.
Le dernier rapport de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie en Belgique, publié à la fin du mois d’août dernier, fait état d’une augmentation continue du nombre d’euthanasies réalisées dans ce pays. 1807 déclarations ont été comptabilisées en Belgique en 2013, en hausse de 26% par rapport à l’année précédente. Ce nombre officiel augmente fortement chaque année depuis le vote de la loi en 2002 (500 en 2007, 953 en 2010), et il ne tient pas compte des euthanasies clandestines qui restent nombreuses (estimées à 42% en Wallonie et 27% en Flandre, d’après une étude universitaire).
Un livre au titre provocateur, écrit par un médecin belge, est par ailleurs sorti la semaine dernière : Médecin catholique, pourquoi je pratique l’euthanasie. Sa médiatisation importante montre à quel point les notions d’ « autonomie individuelle » et de « compassion » semblent dominer désormais en Belgique, aboutissant à des dérives de plus en plus fortes au détriment de personnes fragiles.
Pour une analyse plus complète de la situation, lire notre Décodeur « L’euthanasie en Belgique ».