Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité législative : « Amendements IVG dans le projet de loi Egalité Femmes-Hommes »
L’EVENEMENT
A partir du lundi 20 janvier 2014, l’Assemblée nationale va examiner en première lecture le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dans lequel plusieurs amendements concernant l’IVG ont été introduits par des parlementaires.
L’objectif principal est de transformer l’IVG, liée jusqu’à présent à une situation de détresse, en un « acte médical comme un autre ». Mais la suppression de l’état de détresse est une façon de nier la réalité de ce que vivent les femmes lors des grossesses difficiles : elles se retrouvent trop souvent confrontées à un choix à sens unique, faute de vraie politique de prévention pour celles, nombreuses, qui souhaitent pouvoir poursuivre leur grossesse et être soutenues dans ce sens (voir sondage IFOP, février 2010).
LE CHIFFRE
Avec 222 500 avortements par an, la France compte 15,1 IVG pour 1 000 femmes en âge de procréer, soit le double du taux observé en Allemagne (taux de 7,2).
Ce chiffre s’explique par le « paradoxe contraceptif français » : près des 3/4 des femmes (72%) qui recourent à l’IVG étaient sous contraception quand elles ont découvert leur grossesse.
LES AMENDEMENTS EN DISCUSSION
a) La suppression de la « situation de détresse »
– La législation en matière d’avortement a été révisée à plusieurs reprises. Elle est fondée sur une dérogation au principe général inscrit à l’article 16 du Code Civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». Cette dérogation est formulée ainsi : « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse » (article L2212-1 du Code de la Santé publique).
– L’amendement déposé par des membres du Parti socialiste, et adopté en Commission des lois le 18 décembre dernier (devenant l’article 5 quinquies C du projet de loi), supprime la référence à la situation de détresse. Désormais, toute femme « qui ne veut pas poursuivre sa grossesse » pourrait obtenir l’IVG, sa décision n’étant liée à aucune difficulté particulière.
– Le projet de loi déposé par le Gouvernement ne prévoyait aucune disposition dans ce sens. C’est le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes qui a revendiqué cette mesure, dans son rapport sur l’accès à l’IVG rendu public le 7 novembre 2013 (ce rapport contient par ailleurs de nombreuses autres demandes, comme la suppression du délai de réflexion d’une semaine, la suppression du droit à l’objection de conscience du personnel médical, etc.).
– Alors que le Sénat avait déjà voté le projet de loi en première lecture en septembre 2013, la ministre des Droits des femmes a fait en sorte que cette recommandation soit relayée par amendement au cours de l’examen par l’Assemblée nationale. La portée légale et pratique de cette décision n’a fait l’objet ni d’un examen juridique par le Conseil d’Etat, ni d’une étude d’impact par le Gouvernement, alors que ces préalables sont obligatoires pour chaque mesure contenue dans un projet de loi.
– Cette banalisation de l’acte ne serait pas seulement un changement symbolique majeur, portant encore plus gravement atteinte au droit à la vie. Ce serait également une atteinte à la dignité des femmes, car les conséquences humaines peuvent se révéler inverses à celles souhaitées par le Gouvernement : pressions accrues sur la femme enceinte, plus grande solitude, déresponsabilisation des hommes… Présenter un tel acte comme exclusivement « médical » constitue une régression : c’est un déni de son enjeu réel (le destin d’une vie humaine) et de ses répercussions désormais connues pour les femmes, les couples et les fratries.
b) L’élargissement du délit d’entrave
– Lors de son examen du projet de loi en septembre 2013, le Sénat a introduit un amendement qui renforce le délit d’entrave à l’IVG. L’Assemblée nationale a confirmé cette mesure le 18 décembre 2013, en modifiant légèrement la formulation.
– Ce délit, créé en 1993, consiste dans « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une IVG ou les actes préalables » dans les établissements qui les pratiquent. Il peut être puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
– Ces sanctions (nouvel article 5 quinquies) s’étendraient désormais à ceux qui empêchent ou tentent d’empêcher « de s’informer sur » une IVG ou les actes préalables, dans tous les établissements habilités, par convention, à donner cette information.
– D’après l’auteur de l’amendement, qui veut lever « tous les obstacles qui s’opposent à l’exercice de ce droit », cette mesure ne concernerait pas les actions pouvant être menées sur internet. Mais la pression du Gouvernement reste forte pour chercher à limiter toute diffusion d’informations qui ne va pas dans un sens favorable à l’avortement.
c) Le changement symbolique d’un titre du Code de la santé
– Un troisième amendement a été voté en Commission des lois le 18 décembre. Il consiste à modifier le titre de la deuxième partie du Code de la santé publique : au lieu de s’intituler « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant », ce titre deviendrait « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant ».
– L’objectif très symbolique est de conforter en droit français des expressions largement utilisées par les partisans de l’avortement dans les instances internationales, en particulier l’expression ambiguë de « santé reproductive ».
– La disparition des mots « famille » et « mère », au profit des « droits de la femme », laisse également transparaître la volonté d’élargir prochainement l’utilisation des techniques de procréation artificielle au profit des personnes célibataires ou homosexuelles.
d) Pour mémoire, les mesures récentes concernant l’IVG
Ces derniers mois, le Gouvernement a multiplié les mesures pour faciliter l’accès à l’IVG et à la contraception pour les mineures :
– Le remboursement à 100% de l’IVG par la Sécurité Sociale aux assurés sociaux a été décidé à partir de janvier 2013 (loi du 17 décembre 2012 ; auparavant, il restait une part à la charge de l’assuré social, très souvent prise en compte par sa mutuelle).
– Le tarif des IVG chirurgicales, payées par la Sécurité sociale aux établissements de santé, a été revalorisé de 50% à partir de mars 2013.
– Un nouveau site internet d’information public sur l’IVG a été ouvert fin septembre 2013. Cette initiative faisait suite à un rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, qui dénonçait une trop grande visibilité sur internet de sites qu’il considère comme « opposés à l’IVG ». Les sites en cause, qui existent depuis plusieurs années, proposent en général une écoute et donne des informations sur les aides et les alternatives possibles à l’IVG (informations qui n’existent plus depuis 2001 dans le dossier-guide remis obligatoirement aux femmes enceintes qui consultent en vue d’une éventuelle IVG).
– Les notices mises à disposition dans les tests de grossesse pourraient contenir des conseils sur l’IVG. Tel est le souhait de Najat Vallaud Belkacem, exprimé sur son blog le 11 septembre 2013, à l’annonce d’un amendement au Sénat modifiant le projet de loi sur la consommation, autorisant la vente de ces tests hors pharmacie. Cette disposition a été acceptée par l’Assemblée nationale en décembre dernier, et le Sénat doit finaliser l’ensemble du projet de loi fin janvier 2014.
– Pour les mineures, le développement de la gratuité et l’anonymat de la contraception a fait l’objet de plusieurs mesures successives depuis un an : d’abord pour les pilules contraceptives, puis pour les actes médicaux et les examens de biologie liés à tout moyen de contraception (y compris implants, stérilets …), sans oublier la baisse du taux de TVA sur les préservatifs (de 7% à 5,5%) à partir de début 2014.
e) L’évolution de l’environnement international
A l’heure où la France tend à élargir de plus en plus les conditions d’accès à l’avortement, d’autres pays aux législations plus permissives ont adopté ou prévu d’adopter des mesures de régulation. C’est le cas dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, en Norvège, dans certains états aux Etats-Unis. De façon plus particulière, deux pays proches symbolisent cette tendance dans l’actualité :
– En Espagne, le gouvernement a présenté un projet de loi le 20 décembre 2013, visant à revenir aux principes en vigueur entre 1985 et 2010, avec des conditions plus strictes : l’IVG serait possible soit « en raison du grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme », soit si la grossesse est une « conséquence d’un délit contre la liberté ou l’intégrité sexuelle de la femme ».
Un des objectifs affichés est de respecter la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006, qui interdit les pratiques eugéniques.
– En Suisse, un référendum est organisé le 9 février 2014 pour demander l’arrêt du financement de l’IVG par l’assurance maladie de base. Cette consultation fait suite au recueil de plus de 100 000 signatures en 2011 par le collectif “Financer l’avortement est une affaire privée“.
NOTRE COUP DE COEUR
Le 10 décembre dernier, le Parlement européen a rejeté une résolution sur « la santé et les droits sexuels et génésiques » (SDSG). Le texte, appelé « Résolution Estrela », prévoyait notamment de nombreuses recommandations pour banaliser l’avortement : l’objectif était de le faire reconnaître comme un droit fondamental, au risque d’effacer toute notion de « droit à la vie ».
En votant une résolution alternative, les députés européens ont rappelé que l’Union européenne doit respecter le principe de subsidiarité et que cette question ne relève pas de sa compétence : « La définition et la mise en œuvre des politiques relatives aux SDSG et à l’éducation sexuelle dans les écoles relèvent de la compétence des Etats membres ».
Par la voix du Commissaire Siim Kallas, la Commission européenne vient de réaffirmer le 16 janvier 2014, devant l’Assemblée de Strasbourg, que l’Union Européenne n’a pas compétence en matière d’avortement et d’éducation sexuelle.
NOTRE COUP DE GUEULE
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le rapport sur l’accès à l’IVG est à l’origine des amendements sur l’IVG, a réalisé un travail militant et contestable. Très présent dans la commission « Santé, Droits sexuels et reproductifs » chargée de rédiger le rapport, le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF) y déploie la vision idéologique qu’il promeut depuis 40 ans.
L’objectif fixé est exprimé clairement : « Faire de l’avortement un droit à part entière et de l’IVG un acte médical comme un autre, dénué de représentations moralisatrices et d’idées reçues ».
Pour les auteurs du rapport : « L’IVG est un événement assez courant de la vie sexuelle et reproductive des femmes : près de 35% des femmes ont recours à une IVG dans leur vie. L’IVG n’est pas un problème : c’est une solution à une grossesse non désirée. » Ils « regrettent que l’IVG ne soit pas encore un droit plein et entier, du fait de l’esprit de la loi d’origine, qui perdure encore, et qui considère l’avortement comme une dérogation au respect dû à la vie fondée sur la détresse de la femme. »
POUR ALLER PLUS LOIN :
– Notexpert VITA sur les amendements IVG : « Des mesures inadaptées et malvenues », 17 janvier 2014.
– Fil d’actus VITA sur l’amendement supprimant la notion de « situation de détresse », 18 décembre 2013.
– CP VITA sur le rapport du Haut Conseil à l’Egalité Femmes-Hommes, 7 novembre 2013.