Un consentement suspect

05/12/2013

Quel point commun existe-t-il entre le projet de loi belge autorisant l’euthanasie des mineurs, le manifeste des 343 salauds, et le dernier prix Renaudot ?

A part la conjonction du calendrier, les sujets semblent assez éloignés, entre la fin de vie d’un adolescent, les charmes marchandés sur un trottoir, et l’apologie des expériences pédophiles. Pourtant, l’opinion publique semblerait s’accommoder de ces situations dont sont victimes des personnes en situation de vulnérabilité, simplement sous prétexte que ces personnes y consentent. Il serait profondément choquant que ces situations se perdent dans la banalisation ou l’indifférence, tant ils nous interpellent sur le sens que nous donnons au mot Liberté. Car le consentement d’une personne n’est en rien la garantie de sa liberté.

Ainsi, sous couvert de défendre la liberté, 343 hommes ont signé un manifeste défendant le droit d’avoir recours à la prostitution pour satisfaire leurs pulsions sexuelles. De leur côté, les professionnelles du sexe interrogées revendiquent un choix libre de leur profession. Or des études montrent que 80% des prostituées sont victimes des réseaux de proxénétisme. Et même pour les « indépendantes », que penser de la liberté de l’étudiante qui, par manque de ressources consent à vendre son corps pour payer ses études, ou de celle de l’immigrée qui privée de ressources ne trouve plus que celles de son corps ? Les clients qui profitent de ce commerce pour assouvir leurs pulsions, sont-ils eux-mêmes réellement libres ? Leur liberté semble plutôt céder à la pulsion sexuelle, trop souvent stimulée par le commerce érotique dans une société consumériste qui exploite sans scrupule les fragilités humaines.

Plus encore, qui peut prétendre qu’un enfant ou un jeune adolescent qui succombe à la séduction perverse d’un adulte et accepte de se soumettre à ses fantasmes n’est pas une victime, même s’il y consent ? Les actes pédophiles sont sévèrement réprimés par la loi française. Pourtant un ministre peut en faire état à mots découverts dans une autobiographie sans être inquiété, et on attribue encore des prix littéraires aux auteurs qui prônent ces comportements. Le consentement ne saurait justifier qu’une personne abuse de la liberté d’une autre.

C’est évident pour les abus sexuels, mais l’enfant vulnérable est aussi celui qui est confronté à la souffrance de la maladie : faut-il considérer le consentement à l’euthanasie comme la garantie d’une ultime liberté, comme certains le revendiquent ? Ceux qui s’apprêtent à légiférer sur ce sujet en Belgique, en étendant l’euthanasie aux mineurs, doivent se demander en conscience si le choix de la mort peut être vraiment libre. Comme pour toute personne malade, les liens affectifs de l’enfant avec sa famille le rendent particulièrement sensible au regard porté sur lui. Pour ses proches comme pour lui, la perspective de son décès prématuré ne peut que susciter la révolte et le désarroi. Face à la douleur et à l’émotion suscitées par la maladie et la perspective de la mort, le critère de « capacité de discernement » ne garantit aucunement un choix libre et sans contrainte.

A l’inverse, une présence attentive à apaiser toutes les souffrances, une présence qui ne ménage aucun effort pour témoigner à la personne malade qu’elle a plus de prix que ce que nous coûte la tristesse de son départ, une présence qui lui offre la perspective de vivre autant d’amour dans le temps qui lui reste que d’autres en toute une vie, une telle présence ouvre un espace de liberté bien plus précieux qu’un ultime choix sans issue. 

Alors méfions-nous des consentements qui légitiment la soumission des personnes vulnérables à la satisfaction de personnes bien-portantes.

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