Le 10 décembre prochain, le Parlement européen débattra d’une proposition de résolution « sur la santé et les droits sexuels et génésiques ».
Déjà saisie de ce texte le 22 octobre dernier, l’assemblée plénière a décidé de son renvoi en commission, preuve s’il en est du malaise qu’il suscite.
L’expression « santé et droits sexuels et génésiques » est foncièrement ambiguë. Sans claire définition, elle est notamment utilisée dans ce contexte pour banaliser, au nom de la santé, la question délicate de l’avortement ou encore légitimer la procréation artificielle hors indication médicale, pratiques qui ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne.
De plus la résolution s’attaque au droit à l’objection de conscience et aux droits des parents, et demande à l’Union européenne de financer l’avortement dans sa politique extérieure d’aide au développement.
En particulier, l’avortement apparaît indûment dans ce texte comme un droit, en contradiction avec une interprétation stricte du droit international et de la législation européenne. Cette interprétation abusive ne correspond pas aux réserves émises par nombre d’États, acteurs primordiaux du droit international, et sachant qu’aucune convention et qu’aucun traité international à portée universelle n’en fait mention.
Cette proposition de résolution est particulièrement contestable et doit être refusée.
I – Elle excède les compétences de l’Union européenne
Aux termes de l’Article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Union dispose, dans le domaine de la santé publique, des compétences pour appuyer, coordonner ou compléter les actions des États membres. Il est précisé que « l’action de l’Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l’organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l’allocation des ressources qui leur sont affectées ».
L’absence de compétence de l’Union européenne à l’égard de l’avortement a été confirmée à plusieurs reprises par les institutions européennes (Parlement européen, Commission européenne et Conseil européen). Le 30 avril 2012, le Commissaire M. Dalli répondait à une question posée par des députés (E-002933/2012) : « Compte tenu de la dimension éthique, sociale et culturelle de l’avortement, il appartient aux États membres d’élaborer et de faire appliquer leurs politiques et leur législation en la matière. La Commission n’entend pas compléter les politiques nationales de santé publique dans ce domaine ».
De plus, les dispositions du Traité n’octroient aucune latitude supplémentaire en la matière, quand il s’agit de l’action extérieure de l’Union dont l’objectif principal reste « la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté » (Article 21). La Cour européenne des droits de l’homme a également reconnu la diversité des solutions législatives concernant l’avortement et la large marge d’appréciation des États à cet égard.
De même, en voulant imposer aux Etats membres de fonder l’éducation sexuelle sur la notion « d’égalité de genre », ce texte porte atteinte aux droits des parents et des enfants.
De manière insidieuse, le texte revu par la commission a tenté d’édulcorer la question de l’accès à la PMA par les femmes célibataires et lesbienne. Pourtant, sous couvert du principe de non-discrimination, cette disposition demeure promue.
Cette résolution porte gravement atteinte au principe de subsidiarité.
II – Le scandale des avortements sélectifs doit inciter l’Union européenne à éviter toute ingérence en matière d’avortement
Cette proposition de résolution demande à l’Union européenne de financer l’avortement dans les pays en développement au moyen du Fonds de développement européen pendant la période 2014 – 2020 ; elle entend inclure « la santé et les droits sexuels et génésiques », dont l’avortement, dans le cadre de la coopération européenne au développement au motif que les « investissements dans la santé génésique et la planification familiale » seraient « parmi les moyens les plus efficaces, en matière de rapport qualité-prix et de développement, de favoriser le développement durable d’un pays » (§71).
Une telle approche ne tient pas compte de la dimension éthique, sociale et culturelle de l’avortement.
Le Parlement européen vient de se pencher, sur le scandale des avortements sélectifs selon le sexe par le vote de la résolution sur « le généricide : les femmes manquantes ? » le 8 octobre 2013 (2012/2273 INI). Le « généricide » décrit le fait de tuer délibérément une personne appartenant à un sexe du seul fait de cette appartenance. En effet, dans certains pays – tels que la Chine et l’Inde, mais aussi dans certaines régions d’Europe balkanique et du Caucase -, l’avortement des foetus féminins est répandu. Selon l’exposé des motifs du texte précité, « des estimations récentes concernant le rapport de masculinité montrent une augmentation des femmes « absentes » de la population mondiale, dont le nombre frôle les 200 millions. Il s’agit d’une augmentation extrême depuis 1990, sachant qu’à cette époque, le nombre de femmes « absentes » s’élevait à 100 millions. Les filles font toujours l’objet d’une discrimination implacable pour ce qui est de la prédétermination du sexe de l’enfant, de l’avortement, de l’abandon ou de l’infanticide de petites filles pour cette seule raison qu’elles sont de sexe féminin ».
Conclusion :
Cette proposition de résolution intervient à la veille de clôture de la collecte des signatures de l’une des toutes premières initiatives citoyennes européennes, portant le nom UN DE NOUS. Près de 1 900 000 personnes l’ont signée et demandent notamment l’arrêt du financement par l’Union européenne des programmes menaçant l’être humain déjà conçu. Comment aborder de tels enjeux alors que les citoyens européens interpellent l’Union pour qu’elle se positionne plus clairement ?
Ce type de résolution qui concerne la vie intime des citoyens européens doit absolument prendre en compte cette mobilisation citoyenne massive, inédite sur le sujet, grâce aux nouveaux outils de démocratie participative mis en place par l’Union européenne.
Décembre 2013