Il s’appelle Vincent, il est âgé de 37 ans, il souffre d’un coma « pauci-relationnel » et devait mourir ces jours-ci par arrêt d’alimentation. Voilà ce qui était prévu.
Mais à la suite d’un recours en « référé-liberté » devant le tribunal de Châlons-en-Champagne, le juge des référés à ordonné ce samedi la reprise de l’alimentation.
Gageons que cette affaire va faire grand bruit dans le Landernau médical. Car elle prend à rebours une interprétation élargie de la Loi Léonetti qui autoriserait, selon certains, à provoquer la mort par arrêt d’alimentation.
Voilà quatre ans que Vincent est tombé dans le coma à la suite d’un grave accident de voiture. D’abord coma « végétatif », puis Vincent va réagir aux stimuli, aux paroles, il suit des yeux, il manifeste quelques émotions, il sourit…
Mais il paraît que les soignants ont décelé chez Vincent des réactions d’opposition lors de certains soins de nursing. Ils en auraient conclu à un désir de ne pas vivre.
Voilà donc certains membres de la famille, épuisés ou désespérés – on peut comprendre leur immense détresse – et des soignants qui s’interrogent sur un refus de soins et sur un possible désir de mort… tout cela conduit à une décision d’interrompre l’alimentation et de réduire drastiquement l’hydratation à 500 ml par jour.
Mais cette condamnation révolte une partie de la famille, dont les parents de Vincent. Car Vincent n’est pas mourant, il n’est pas en fin de vie, il est bien vivant et n’est pas malade. Et aucun événement pathologique ne devrait provoquer sa mort à court terme. C’est donc bien dans l’intention de provoquer la mort qu’ont été interrompues l’alimentation et l’hydratation.
Assurément, il est parfois légitime et éthique d’interrompre alimentation et hydratation, lorsque ceux-ci sont clairement disproportionnés, inutiles, voire nuisibles dans certains situations médicales. Lorsqu’une maladie sous-jacente va provoquer la mort de manière imminente, il est certainement légitime de ne pas imposer une alimentation orale, voire des perfusions ou des sondes à une personne qui n’en tirera pas bénéfice.
Mais ici, la situation est radicalement différente.
C’est bien ce qu’a reconnu le juge des référés en imposant la ré-alimentation. Car la privation volontaire d’alimentation et d’hydratation portait atteinte à un droit fondamental : le droit de ne pas être tué, le droit à la vie. Mais le jugement ne remet pas en cause l’utilisation à visée euthanasique de la loi Léonetti, simplement l’utilisation qui en a été faite dans le cas qui nous intéresse.
Si, dans l’immédiat, Vincent devrait donc vivre, l’affaire est probablement loin d’être terminée. Tant pour Vincent et sa famille que sur le plan juridique et législatif.
Peut-être conviendrait-il que soit rappelé par la loi que l’alimentation et l’hydratation sont des soins de base dûs à toute personne humaine, particulièrement en situation de fragilité. Au même titre que d’avoir de l’oxygène dans l’air que l’on respire, un toît, un vêtement, du chauffage, et des soins d’hygiène élémentaires.
PS : pour en savoir plus, vous pouvez lire les articles très documentés de Jeanne Smits sur son blog