Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité du projet de loi : « Mariage/Adoption pour les couples de personnes de même sexe »
L’EVENEMENT
A l’issue de deux journées de débat, lundi 8 et mardi 9 avril 2013, le Sénat a voté l’article 1 du projet de loi , le plus important puisqu’il introduit une nouvelle définition du mariage en l’ouvrant aux personnes de même sexe.
La discussion se poursuit dans un climat que l’on peut qualifier de « dialogue de sourds » : l’opposition explique à de multiples reprises que l’équation « Mariage + Adoption = PMA + GPA » à plus ou moins long terme, notamment à cause de la jurisprudence européenne ; la majorité et le gouvernement se bornent de répondre que le projet de loi ne concerne que le mariage et l’adoption, et qu’on verra plus tard pour le reste.
LE CHIFFRE
Environ 200.000 Français déclarent être en couple avec une personne de même sexe, selon une enquête de l’Insee publiée le 14 février 2013. Début 2011, 32 millions de personnes déclaraient être en couple, dont 72% dans le cadre du mariage. Sur ce total, environ 200.000 personnes en couple (soit 0,6% d’entre elles) déclaraient être avec un conjoint de même sexe.
Par ailleurs, 9 000 PACS ont été signés en 2010 entre deux personnes du même sexe (soit 4% du total des PACS). Le nombre prévisible de mariages homosexuels peut être estimé à moins de 5 000, de l’ordre de 2 % du total des mariages (environ 250 000 mariages sont célébrés chaque année) si la proportion est la même qu’en Espagne.
Les couples homosexuels qui voudront se marier seront donc très peu nombreux.
LA CITATION
« Un enfant sans père, c’est comme une maison sans toit ; une maison sans mère, c’est comme une maison sans âme ».
Ce proverbe cambodgien a été cité lors d’un mariage célébré récemment entre un jeune d’origine cambodgienne et une jeune bretonne. Le mariage était célébré par Gérard Larcher, sénateur des Yvelines, qui soulignait ainsi le caractère essentiel de l’altérité du mariage dans toutes les civilisations.
LE RÉSUME DU DEBAT
Les débats ont principalement concerné trois sujets autour de l’article 1 du projet de loi :
1) L’union civile
Les premiers amendements de l’opposition ont concerné la mise en place d’une « union civile », présentée comme une solution de compromis pour respecter la nature du mariage fondé sur l’altérité des sexes et l’ouverture à la procréation. Selon ses promoteurs, ce dispositif évitait de dénaturer le mariage, tout en constituant une réponse sérieuse aux attentes des personnes homosexuelles souhaitant un cadre plus protecteur. L’union civile aurait permis de donner aux conjoints les mêmes droits et devoirs que dans le mariage, sauf la possibilité d’adopter des enfants. Ce statut se serait rajouté aux trois autres formes actuelles de vie en couple (mariage – PACS – concubinage).
Tous les amendements sur l’union civile, ou sur des démarches similaires visant à améliorer le statut du PACS ou du concubinage, ont été rejetés par la majorité sénatoriale.
2) L’article 143 du Code civil donnant une nouvelle définition du mariage
Cet article, qui n’existe pas aujourd’hui dans le Code civil, est ainsi rédigé : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. » Il constitue la pierre angulaire de la nouvelle loi, puisque tous les autres articles dépendent de cette affirmation et visent à en clarifier les conséquences pour les conjoints ou pour les éventuels enfants du couple.
Après plus de 10 heures de débat, dans une ambiance qualifiée d’électrique, et une longue suspension de séance liée à l’absence du quorum (moins de la moitié des sénateurs présents au moment du vote), l’article 1 dans son ensemble a été adopté par 179 voix contre 157, mardi 9 avril un peu avant minuit.
Cinq UMP et une UDI-UC ont voté pour, 2 UMP et 4 UDI-UC se sont abstenus et un UMP n’a pas pris part au vote. A gauche, au RDSE (à majorité PRG), un sénateur a voté contre et 4 n’ont pas pris part au vote. Par contre les socialistes, les écologistes et les communistes ont tous voté pour (voir notre Coup de gueule). Le détail du vote de chaque sénateur est disponible ici.
Cet article a été adopté “conforme”, c’est-à-dire sans modification par rapport au vote en première lecture de l’Assemblée nationale. Ce vote devient donc définitif, sauf si l’ensemble du projet de loi était rejeté à l’issue de son examen par le Sénat. L’article 1 du projet de loi ne sera donc pas soumis à une deuxième lecture de l’Assemblée nationale.
3) Les autres amendements sur l’organisation du mariage
Plusieurs autres dispositions ont été confirmées, avec ou sans amendement, dans le cadre du chapitre Ier du projet de loi relatif au mariage. Elles concernent :
– Le contrôle des actes de l’état civil par le procureur de la République. A cet égard, beaucoup d’officiers d’état civil ont fait part de leur opposition de principe à célébrer des mariages entre personnes de même sexe.
– Le lieu de célébration du mariage, avec l’élargissement du nombre de communes où cette cérémonie sera possible (les communes de résidence d’un des parents des époux).
– Les articles du Code civil à lire lors de la célébration du mariage, pour simplifier la lecture et retirer une mention peu opportune (l’article 220 du Code civil sur la solidarité du couple pour les dettes contractées durant le mariage).
– La nature « républicaine » de la cérémonie du mariage (article 165 du Code civil).
– La possibilité de se marier en France, quand les futurs époux (dont au moins un de nationalité française) résident dans un pays qui n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe.
NOTRE COUP DE COEUR
Jean Marc Veyron-la-Croix, homosexuel et maire de Chasselas, exprime avec force ce que pense une grande partie des personnes homosexuelles vivant en couple et s’opposant au projet de loi. Extraits de sa récente lettre ouverte à Jean-Luc Romero :
« Cessez de voir la communauté homosexuelle comme vous la voyez ; d’ailleurs elle n’existe pas plus qu’il existe une communauté hétérosexuelle : ces personnes ont mille facettes, et il existe d’autres homos que le microcosme parisien et sa pensée unique !
La souffrance homosexuelle, la blessure homosexuelle ou les limites de l’homosexualité ne sont en aucun cas, une raison pour changer les bases d’une civilisation ou priver un enfant d’une partie de sa filiation et de l’affection d’un père ou d’une mère !
Acceptons nos limites au lieu d’imposer à tous une loi qui ne comblera en rien notre impossibilité à procréer! »
NOTRE COUP DE GUEULE
La liberté de vote n’est pas reconnue au sein du groupe socialiste !
Depuis le début des débats, le groupe PS a multiplié les demandes de scrutin public pour les votes sur des amendements importants. Deux raisons à cela :
– Pendant de nombreuses heures, le nombre de sénateurs de la majorité était inférieur à celui de l’opposition ; or la procédure de vote par scrutin public donne la possibilité aux groupes politiques de voter pour leurs collègues absents.
– « Vous obligez les parlementaires socialistes à voter d’une seule voix, alors que ce n’est pas la règle chez nous », a par ailleurs expliqué un sénateur UMP.
On comprend mieux ainsi pourquoi l’article 1, le plus important, a été adopté par 179 voix contre 157 (voir Résumé des débats), c’est-à-dire avec 22 voix d’écart, alors que la majorité ne dispose en théorie que de 6 voix d’avance au Sénat.