Contribution d’Alliance VITA au rapport sur le projet de loi
ouvrant le mariage et l’adoption à des personnes de même sexe.
Cette contribution est établie en nous appuyant sur l’expérience des milliers de personnes accompagnées depuis 15 ans par notre service d’écoute et d’aide sur les sujets liés à la parenté et à la maternité. Alliance VITA s’oppose à ce projet de loi qui marque un décalage profond avec la réalité des aspirations de nos concitoyens concernant la maternité, la paternité, la famille ainsi que la question de l’adoption et de la procréation artificielle.more
1. Un conflit de « liberté » qui pénalise tous les couples homme/femme
En prétendant ouvrir une liberté à une catégorie nouvelle de personnes, le projet de loi prive l’homme et la femme de leur liberté de se voir reconnaître légalement comme « père » et « mère » de leurs enfants.
> LE MARIAGE CIVIL
C’est le cadre le plus protecteur pour les enfants issus de la relation de l’homme et la femme. En se mariant, un homme et une femme offrent le meilleur cadre à leurs enfants, les inscrivant dans une filiation, les faisant entrer dans leurs familles respectives et en assurant une continuité de liens avec eux, y compris en cas de séparation.
> LES CONSÉQUENCES DU PROJET DE LOI SUR LE MARIAGE CIVIL
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Père et mère supprimés
En ouvrant le mariage civil à deux hommes ou deux femmes, près de 200 modifications dans 8 codes, principalement dans le code civil, sont nécessaires : elles comprennent la suppression de la loi des termes père et mère, ou mari et femme.
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Une atteinte à la parité sociale
Comment comprendre que le projet de loi se permette de rayer d’un trait de plume la parité là où elle est le plus incontestable et nécessaire, c’est-à-dire la parité père/mère au sein du couple des parents ? Ce projet est en complète contradiction avec les efforts du gouvernement pour l’imposer en son sein et l’encourager dans toutes les sphères de la société.
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Un projet disproportionné
Alliance VITA souligne la disproportion de ce projet pour satisfaire une minorité de personnes qui sont dans des situations différentes au regard de la procréation. Sommes-nous prêts à modifier une institution qui concerne 23 millions de personnes en France selon l’Institut National d’Etudes démographiques pour un faible nombre de personnes, l’association de Parents Gays et Lesbiens (APGL) revendique 2000 adhérents ?
2. Une rupture d’égalité entre les enfants
En prétendant établir une égalité entre adultes au regard du mariage qui ne s’impose pas puisque les situations sont différentes, le projet de loi crée une nouvelle inégalité entre certains enfants qui seront adoptés.
> L’ADOPTION
La démarche d’adoption n’est pas faite pour donner un enfant à un couple, mais donner une famille à un enfant, qui a déjà subi un traumatisme important en étant privé de son père et de sa mère. C’est en ce sens que la législation sur l’adoption en France est stricte sur les conditions d’accueil la réservant prioritairement à des couples mariés, engagés dans la durée. Ce processus demande une solidité particulière pour ceux qui auront à accueillir la souffrance inévitable de ces enfants. L’idée est bien de donner un père et une mère à des enfants qui en ont été privés.
NB : La survivance de l’adoption par des célibataires vient d’une période révolue, notamment des deux guerres mondiales où l’on manquait de couples pour adopter, les hommes étant décédés; des femmes seules ont recueilli des enfants orphelins. C’est une survivance dont Alliance VITA a interrogé la pertinence à plusieurs reprises, sauf dans un cadre intrafamilial.
TEMOIGNAGES : confier un enfant à l’adoption, le besoin d’assurance sur l’avenir de l’enfant
Nous accompagnons des femmes qui pour des raisons toujours douloureuses se posent la question de confier leur enfant à l’adoption.
Voici 4 situations récentes de femmes se posant la question de l’adoption pour des raisons diverses, toujours douloureuses.
Une jeune femme, 21 ans déjà mère d’un petit garçon qui avait subi des violences sexuelles au sein de sa famille, enceinte de 7 mois quand elle s’est adressée à nous, ne pouvant élever l’enfant compte tenu de la situation.
Un jeune, 19 ans, enceinte de 6 mois, l’ayant caché à sa famille pour des questions confessionnelles, situation très risquée pour elle (rejet de sa famille, risque vital) ;
Une jeune de 17 ans qui ne souhaitait pas élever l’enfant, se sentant trop jeune et immature et souhaitant le confier à l’adoption ;
Une femme de 34 ans à 8 mois de grossesse, déjà mère et ayant rompu avec le père pendant la grossesse.
Ce qui est très prégnant dans les échanges, c’est ce besoin pour ces femmes d’avoir l’assurance que leur enfant puisse recevoir ce qu’elles ne pouvaient leur donner : un père et une mère qui vont l’aimer durablement et ne pas l’abandonner. C’est fort de cette confiance dans la démarche d’adoption, telle qu’elle existe en France, qu’elles ont pu confier leur enfant plus sereinement aux services sociaux français.
> LES CONSÉQUENCES DU PROJET DE LOI SUR L’ADOPTION
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Une instrumentalisation de la démarche d’adoption
Ce projet de loi, en ouvrant l’idée de familles « homoparentales » par adoption comme une nouvelle forme de famille, instrumentalise la démarche d’adoption : elle fait croire à un droit « à » l’enfant en complète contradiction avec les droits « de » l’enfant, car l’enfant n’est pas un objet que l’on pourrait acquérir pour combler un manque.
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Un faux en filiation
Par l’adoption plénière, l’enfant adopté acquiert une nouvelle filiation qui remplace sa filiation d’origine. Avec l’évolution telle qu’elle est envisagée dans le projet de loi, le droit français priverait délibérément certains enfants d’un père ou d’une mère.
– Cette mesure discriminerait des enfants déjà fragilisés par l’accident de vie qui a provoqué l’absence de leurs parents : deux pères ne remplacent pas une mère, deux mères ne remplacent pas un père.
– Cette mesure introduirait légalement une injustice provoquée par le mensonge d’Etat qui consiste à faire croire à des enfants qu’ils auraient deux pères ou deux mères, tout en sachant que c’est impossible dans la réalité.
Dans la démarche d’adoption plénière en couple, on prend bien soin d’offrir une référence symbolique universelle (un père et une mère), avec une filiation crédible à défaut d’être réelle.
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Un risque pour l’avenir de l’adoption
25 000 couples mariés détiennent des agréments d’adoption alors que le nombre d’enfants adoptables ne cesse de décroitre : les projections 2012 pour la France prévoient que seuls un peu plus de 2000 enfants pourront être adoptés. La plupart des pays qui confient des enfants à l’adoption sont extrêmement sensibles aux législations concernant le mariage et sont plus exigeants en cas de légalisation du mariage par des personnes de même sexe. Rendre la réalité de l’adoption plus sensible n’est pas responsable.
3. Famille : réparer oui, casser non
Vivre sans les parents qui l’ont conçu (parent absent, décédé, séparation…) n’est pas banal pour un enfant. La grande majorité des enfants (75%) vivent avec leurs deux parents biologiques.
> AIDER LES FAMILLES
La solidarité nationale doit épauler tous les enfants et tous les parents en difficulté. Venir en aide aux familles en manque d’un des deux parents, ou soutenir celles qui sont fragilisées par une séparation, ne peut être le prétexte d’admettre qu’un parent manquant peut être banal pour un enfant et une nouvelle façon de « faire famille ».
– Dans les familles « recomposées », les enfants ont toujours leurs pères et leurs mères, les beaux-parents ne sont pas le père ou la mère de l’enfant.
– Dans les familles « monoparentales », les enfants ont bien un père et une mère.
D’une façon générale, il ne faut ni stigmatiser, ni banaliser les situations où les enfants ne bénéficient pas de la complémentarité père/mère.
TEMOIGNAGES : l’absence de père une difficulté à surmonter
Nous y sommes particulièrement sensibles à Alliance VITA, car nous accompagnons des femmes enceintes qui se posent avec angoisse la question de faire naître un enfant qui ne connaitra pas son père, quand celui-ci menace de les quitter ou tout simplement refuse la grossesse. Ce sont d’ailleurs souvent des raisons qui les poussent à l’avortement.
Pour celles qui décident de faire confiance à la vie qui s’annonce, cela reste un « crève-cœur » que leur enfant ne puisse connaître leur père. « Est-ce que ce n’est pas égoïste de faire naître un enfant qui n’aura pas de papa ? » est une interrogation qui revient fréquemment dans nos échanges.
Cela ne veut pas dire qu’un enfant ne sera pas aimé sans la présence de son père. Sa vie en elle-même est précieuse. L’amour de sa maman, de son entourage, d’un homme peut-être qui viendra un jour dans la vie de sa mère, du père qui finira par accepter la naissance de l’enfant, sont des appuis solides : nous sommes régulièrement témoin qu’il n’y a pas de fatalité et que la vie prend le dessus. Mais cela demeure une difficulté à surmonter.
> CONSÉQUENCES DU PROJET DE LOI SUR LA FAMILLE
Une chose est de venir en aide à des familles fragilisées, une autre est de provoquer des fragilités. On constate que la référence à leurs origines paternelles, non seulement dans leur engendrement mais aussi dans leur éducation, demeure le désir profond des Françaises pour leurs enfants.
4. Vers un « marché de la reproduction » ?
Des députés souhaitent introduire par amendement la procréation artificielle avec donneur pour toutes les femmes. Prétendre que des femmes pourraient avoir recours à l’insémination ou la fécondation in vitro (FIV) avec donneur pour mettre au monde des enfants « sans père », reviendrait à détourner les pratiques réservées à des situations d’infertilité médicale pour en faire un mode d’engendrement, ce qui est largement abusif et source d’injustice pour les enfants.
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La procréation artificielle avec donneur
La procréation artificielle est un palliatif apporté par la médecine avec toutes ses limites éthiques, spécialement quand il s’agit d’insémination ou de Fécondation in vitro (FIV) avec donneur. Ces techniques sont autorisées pour des cas d’infertilité médicale sévère. Ce n’est pas un processus banal, ni un mode de procréation comme un autre. Parmi les 20 000 enfants nés par AMP, 1300 naissent à la suite d’une procréation artificielle avec donneur, chaque année. La France a autorisé ces pratiques en incluant la nécessité de produire un consentement des parents devant le juge ou le notaire. Cette démarche de consentement souligne la difficulté de ce type d’engendrement pour s’assurer que l’enfant ainsi conçu sera accueilli et élevé par un père et une mère pour pallier le manque existentiel d’un des parents biologiques. Le législateur a également tenu à garantir l’anonymat du don, ce qui n’est pas sans conséquence sur les enfants.
TEMOIGNAGE : la procréation avec donneur, un palliatif médical pas si simple à vivre
Nous sommes témoins des réflexions de couples qui se posent la question de s’engager dans des parcours de procréation artificielle. Des couples témoignent que la procréation artificielle avec donneur est une proposition très particulière : ce n’est pas facile à envisager pour celui ou celle qui ne sera pas le parent biologique. Cela veut dire priver l’enfant de son ancrage paternel ou maternel biologique. Les couples ne s’y engagent pas facilement.
Nous avons été confrontées ces dernières années aux interrogations de jeunes, pour certains aujourd’hui majeurs, qui disent leur malaise et leur besoin d’avoir accès à l’identité de ce père ou de cette mère biologique. Ils éprouvent un sentiment d’injustice que la société accepte légalement cet anonymat du don et les prive délibérément de leurs origines. Une femme de 32 ans, née d’un don de sperme anonyme s’est vu refuser les 14 juin 2012 l’accès à des informations sur son père biologique. Elle souhaitait savoir si son frère, né par IAD (Insémination avec donneur) était né du même donneur, et également avoir des données non identifiantes sur celui-ci.
Le désir profond que nous partagent ces couples serait de pouvoir être soignés de leur infertilité, la procréation artificielle n’étant qu’un palliatif. Alliance VITA a demandé à plusieurs reprises que soient conduites des études approfondies sur les causes de stérilité, pour que des pistes thérapeutiques soient étudiées, plutôt que de pallier l’infertilité.
Le principe de précaution s’impose
Il a fallu plus d’une génération pour mettre en lumière les difficultés liées à la procréation artificielle avec donneur. Nous risquons de découvrir, dans quelques générations, de douloureuses conséquences d’une filiation mensongère dont l’Etat se sera fait complice.
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L’inévitable surenchère vers la gestation pour autrui
Lors des débats sur la révision de la loi de bioéthique en 2011 au Sénat s’est introduit insidieusement un grave basculement pour les droits de l’enfant. En glissant de la notion d’infertilité « médicale » à celle d’infertilité « sociale », et en supprimant la condition que le couple soit formé d’un homme et d’une femme, le Sénat avait adopté en première lecture un amendement qui autorisait l’insémination artificielle aux couples de femmes homosexuelles. L’enfant ainsi conçu se trouverait alors privé délibérément d’un père, et c’est pourquoi le Conseil d’Etat s’était montré défavorable à ce type de procréation.
Cette mesure n’aurait été qu’un premier basculement : dans un communiqué publié à l’annonce du vote de cette disposition, l’Association des familles homoparentales (ADFH) a dénoncé une discrimination et revendiqué l’accès à la gestation pour autrui (GPA) pour les hommes homosexuels : « Bien entendu, si cette loi était néanmoins votée, il ne saurait y avoir de discrimination sexuelle pour l’utilisation de l’AMP, et la gestation pour autrui devrait alors être autorisée pour permettre parallèlement aux hommes gays d’être parents ».
Certains envisagent d’ores et déjà des recours pour discrimination aux dépens des hommes auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
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Souhaitons-nous que la France rentre dans le marché de la reproduction ?
Une sociologue, auditionnée le 8 novembre 2012 dans le cadre des auditions publiques sur le projet de mariage et d’adoption par des personnes de même sexe exposaient les différentes manières utilisées par des femmes de même sexe pour avoir des enfants. « Cette pluralité de configurations dépend aussi du marché de la reproduction. Les femmes qui habitent près des pays où la PMA est autorisée pour les lesbiennes, notamment la Belgique et l’Espagne sont plus enclines à recourir à ce type de conception. »
Le 10 novembre 2012, lors d’une manifestation à Montpellier: une centaine de parents homosexuels demandaient au gouvernement d’aller plus loin et l’une des manifestantes portait un bébé avec une affichette « made in Spain », révélateur d’une évolution vers la « fabrication » d’enfants.
Ces deux exemples montrent combien ouvrir la procréation artificielle à des personnes de même sexe alors qu’elles n’ont pas de problèmes médicaux d’infertilité ferait rentrer la France dans un « marché de la reproduction », indigne pour les enfants privés délibérément de père.
Conclusion
Sous couvert de lutter contre les discriminations, ce projet de loi va créer de profondes injustices pour les enfants.
On peut entendre le désir d’enfant en soi compréhensible, sans forcément y acquiescer. D’autres l’ont également : des personnes seules, certaines personnes handicapées … Nous en sommes témoins dans notre service d’écoute. Nos désirs ne doivent pas être source d’injustice envers d’autres et surtout d’inégalité vis-à-vis des enfants. Car les enfants ont besoin, non seulement d’amour, mais aussi de repères structurants, notamment l’altérité homme/femme des parents.
Élisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice socialiste, lors du débat sur l’adoption du PACS en 1999, affirmait : «Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité». Soit c’est une conviction forte qui mérite d’être rappelée, soit c’est une posture manipulatrice qui doit être dénoncée.
S’engager contre la fragilisation de la famille devrait être une priorité. Ce projet de loi va contribuer à fragiliser les familles, alors que la famille est le meilleur rempart pour lutter contre les phénomènes de violence. Le rapport « Aider les parents à être parent » vient d’être publié par le Centre d’analyse stratégique en septembre 2012. Soutenir la parentalité demeure une urgence.
Nous croyons que notre société a avancé dans la lutte contre les discriminations. Or changer le sens du mariage qui est l’un des socles de la vie en société induirait des discriminations injustes entre les enfants.