Que répondez-vous à ceux qui disent que la Manif Pour Tous fut une manif pour rien ?
Qu’ils risquent de prendre soit leurs désirs soit leurs peurs pour la réalité. Je voudrais rassurer ceux qui craignent que la mémoire de cette extraordinaire manifestation soit étouffée par le pouvoir ou par certains médias, ou bien récupérée par l’opposition politique : le président de la République sait parfaitement ce qui s’est passé. Plutôt que d’entretenir un sentiment négatif en nous focalisant sur la querelle des chiffres ou le coût de restauration d’une pelouse (polémiques secondaires), regardons ensemble la réalité. Or, cette réalité est historique : un mouvement absolument inédit par son mode d’émergence dans notre pays a bousculé les repères des politologues. Il suffit de les entendre, ébahis, tenter de nous décortiquer dans les studios de radio et de télévision. Ni la majorité, ni l’opposition ne peuvent désormais ignorer l’ampleur de notre mobilisation.
N’y a-t-il pas des précédents comme 1984 ?
Je crois qu’il est abusif de comparer notre mouvement à 1984, tant sur le fond que par le mode d’émergence. A l’époque, c’était une liberté concrète qui était menacée, avec un enjeu personnel pour les manifestants : disposer des moyens financiers pour choisir l’école de leurs enfants. 2013, qu’un journal italien a titré « révolution française », a des ressorts plus profonds encore : la transmission d’un repère universel propre à l’humanité : la précieuse filiation homme/femme. Frigide Barjot a raison de comparer ce mouvement à Mai 68. C’est le début d’un soulèvement contre la toute-puissance qui menace l’être humain dans son essence. Ce qui nous anime est irrépressible. Notre nombre, mais aussi le style à la fois grave, paisible et festif de notre mobilisation l’atteste.
Le pouvoir en place peut-il reculer ?
D’une certaine façon, je dirai que le président de la République peut tout – hormis nous ignorer. C’est lui qui a les cartes en main. Il sait qu’il s’est laissé piéger par le lobby LGBT, peut-être abusé par la grenouille qui s’était enflée comme le bœuf. Et le voilà confronté à la division des Français, lui qui accusait son prédécesseur de la provoquer. Le voilà aussi empêtré à propos d’un projet de loi que 6% seulement de nos concitoyens jugent prioritaire… A lui de trouver la porte de sortie. Quand les électeurs de gauche comme de droite attendent l’emploi pour tous, ou le logement pour tous, constater que le Parlement perd son temps avec le prétendu « mariage pour tous » a un énorme coût politique.
François Hollande va-t-il vous recevoir ?
Certainement. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais ce n’est pas forcément là que l’essentiel se joue. Ce rendez-vous est d’abord symbolique : il atteste que le président de la République reconnait la validité d’un mouvement qu’il avait jusqu’ici ignoré, sauf peut-être devant le Congrès des Maires, avant de se dédire. C’est un homme sympathique mais aussi un fin politique. Il voudra donc nous recevoir dans des conditions les plus défavorables pour nous. Peut-être pour faire monter dans son propre camp le soutien au projet ? Alors que la gauche est elle-même divisée sur le sujet… En tout cas, nous ne sommes pas dupes. Et en même temps, toute rencontre est une surprise.
Comment voyez-vous la suite du mouvement ?
A court terme, nous allons montrer que nous restons plus mobilisés que jamais. La démonstration du nombre et de la qualité est faite. Il reste à manifester notre ténacité. Le facteur temps est essentiel en politique. Certains tablent encore sur le feu de paille alors que notre mouvement, qui couvait depuis longtemps sous la cendre, est en train d’embraser la France. Les promoteurs du projet de loi misent toutefois sur notre usure. A nous de montrer que nous ne lâcherons pas.
Concrètement comment va se poursuivre la mobilisation ?
Nous avons décidé de retourner d’abord en région. Nous annonçons d’ores et déjà des rassemblements dans tous les départements de France le samedi 2 février 2013 [initialement prévus le dimanche 3 février 2013]. Il y aura aussi des actions-surprises pour marquer le débat parlementaire. Nous entendons par ailleurs continuer d’ouvrir le débat : trop de Français ignorent encore que le « mariage pour tous » signifie l’adoption d’enfants par deux hommes ou deux femmes, une adoption qui serait inéluctablement articulée à la procréation artificielle. Nous envisageons par ailleurs un Tour de France sous forme de grands meetings régionaux… Tout cela nous conduira, si le président de la République ne nous entend pas, à une nouvelle mobilisation nationale, pour une date qui reste à fixer.