Responsable national de la mobilisation de La Manif Pour Tous, le Délégué général d’Alliance VITA répond aux questions de Frédéric Aimard, à quelques jours de la première manifestation nationale du 13 janvier 2013.
Comment pouvez-vous expliquer l’émergence d’un mouvement de protestation aussi puissant contre un projet que, d’ailleurs, seulement 7% des Français estiment « prioritaire » ?
Les deux constats sont corrélés. D’un côté, de plus en plus de Français trouvent indécente l’obstination du gouvernement à promouvoir aujourd’hui son « mariage pour tous ». En temps de grave crise économique, le projet de loi ne tient-il pas du rideau de fumée masquant les vrais défis que notre société doit affronter ? D’un autre côté, de plus en plus de Français ont découvert que ce projet n’a rien d’anecdotique, puisqu’il entraîne, de l’aveu même de ses promoteurs, une rupture de civilisation. Est-ce le moment de saper les repères même de la famille, alors qu’elle constitue, pour beaucoup, l’amortisseur de crise par excellence ?
Quelle est la spécificité de ce mouvement protestataire ?
Je suis frappé par la nature de la motivation des personnes qui se préparent à manifester. Avec La Manif Pour Tous, je pense que nous assistons à la naissance d’un mouvement de résistance d’une ampleur sans précédent. Sa force, c’est sa générosité. Nos manifestants ne défendent aucun « intérêt personnel » : le dimanche 13 janvier, ils marcheront pour le droit des générations futures à bénéficier à leur tour du repère fondamental que constitue la filiation père-mère. Cette parité originelle est une loi universelle qui dépasse la politique. Quels que soient nos accidents de vie, nous sommes tous nés d’un homme et d’une femme. Seule une idéologie ancrée dans le déni de cette réalité peut prétendre écrire une loi contraire. C’est ce qui explique que des personnes et des mouvements aussi divers quant à leurs sensibilités se soient unis avec tant d’énergie.
Pensez-vous qu’un tel mouvement puisse durer au-delà du 13 janvier ?
Tout dépendra bien sûr de l’attitude du gouvernement. Sur le fond, ce qui se passe aujourd’hui est historique et ne peut être sans lendemain. Sur la forme, je trouve que notre mobilisation ressemble à une étape clé de l’émergence du mouvement écologiste, qui date de quelques dizaines d’années. A partir d’associations éparpillées, sensibles à la protection de milieux naturels, et d’experts ayant une vision plus globale, la question environnementale a pénétré le monde politique avec une vision de la société renouvelée. Certes, le parti Europe-Ecologie-Les-Verts est aujourd’hui devenu transgressif, dans sa promotion d’une procréation humaine artificielle pour deux hommes ou deux femmes… Mais l’authentique préoccupation écologique a désormais droit de cité dans tous les partis, et c’est un débat de société permanent qui impacte sur la vie quotidienne. Quoi de plus noble que de renoncer à gâcher les matières premières et de se soucier que la planète demeure habitable pour les générations futures ? A notre tour, nous disons qu’on ne peut pas effacer ce qui fait l’essence même de l’humanité, « composée d’hommes et de femmes » comme l’a souligné Lionel Jospin, « et non pas d’homosexuels et d’hétérosexuels ». Cette écologie humaine est en train de devenir une grande cause dépassant les clivages habituels.
La manifestation ne prend-elle pas plutôt la tournure d’un affrontement droite-gauche ?
Nous assistons ces derniers jours à une cristallisation entre les deux camps selon qu’ils sont favorables ou défavorables au gouvernement. D’autant que plusieurs ministres sont entrés dans une surenchère agressive en s’en prenant à l’enseignement catholique ou à l’Eglise comme boucs émissaires. D’où des ripostes au niveau politique qui alimentent l’affrontement droite-gauche. Or, ce phénomène classique ne traduit pas la réalité de notre mouvement. Il est parti de la base, des citoyens – davantage même que des associations – et il serait injuste qu’il soit récupéré par les partis politiques, quels qu’ils soient. Ceci dit, les élus sont plus que bienvenus dans nos rangs. Qu’ils soient de droite ou de gauche, nous les remercions. Il faut un grand courage aux parlementaires de la majorité pour s’opposer à leur propre famille politique, qui va jusqu’à imposer un vote contre leur conscience au nom de la logique de parti. Ce sont surtout les maires qui seront à mon avis les hérauts de cette mobilisation, étant les premiers concernés par la sauvegarde du mariage.
Quelles sont vos dernières craintes et votre espérance pour dimanche ?
Bien sûr nous sommes alertés contre le risque de provocations : nos opposants ne cessent de nous taxer de haine homophobe et cherchent par tous les moyens à corroborer cette accusation. Avec Frigide Barjot, nous sommes parfaitement conscients de cette manigance délétère. Par avance, nous tenons à récuser tout slogan ou banderole « homophobe » que des infiltrés tenteraient d’imposer. La présence dans nos rangs de personnes homosexuelles est la meilleure réponse à ces accusations injustes. Pour le reste, nous espérons que l’exécutif aura la sagesse de mesurer qu’il a tout intérêt à unir et écouter les Français plutôt que de s’obstiner à les diviser.
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