En garantissant aux maires leur « liberté de conscience » avant de se dédire sur injonction des militants LGBT, François Hollande a donné l’image d’un président inconsistant.
Pour entamer la confiance, rien de pire que l’incertitude. Déjà suspecté par ses anciens concurrents de la primaire socialiste d’une propension à céder au dernier venu, François Hollande a réussi à mettre deux jours de suite son projet de « mariage pour tous » sur le devant de la scène, mais de façon contradictoire. Un jour pour reconnaître aux maires une « liberté de conscience », le lendemain pour la leur retirer.
Mardi 20 novembre, devant quelque 7 800 élus rassemblés pour le congrès des maires de France, le Président donne l’impression de viser l’apaisement : « La loi s’applique pour tous, dans le respect néanmoins de la liberté de conscience. » Liberté de conscience ! Une formule choc répétée une seconde fois par l’orateur, pour souligner l’existence de possibilités de délégation d’un maire à ses adjoints, et même proposer leur élargissement. Tout porte à croire que la déclaration présidentielle a été préalablement négociée avec le président de l’Association des maires de France (www.mairespourlenfance.fr). Objectif : éteindre la fronde des élus locaux. Déjà plus de 17 000 maires et maires adjoints ont en effet signé la pétition des Maires pour l’enfance. Elle contient trois demandes : que les édiles soient consultés avant toute modification du mariage, que le projet en l’état soit retiré et, en tout état de cause, qu’une clause de conscience soit reconnue aux officiers d’état civil. Saluant un « geste d’apaisement » Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF), affirme aussitôt en tribune que les élus « respecteront la loi ». L’opération déminage semble bouclée. Certains redoutent d’ailleurs une tentative gouvernementale « d’enfumage » des maires.
C’est sans compter sur l’indignation des associations qui affirment représenter les personnes homosexuelles, colère relayée par les élus écologistes, du Parti de gauche et du Parti communiste. « Scandalisée », l’association Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) annonce la suspension de « toutes ses relations » avec le gouvernement. Immédiatement, le chef de l’État reçoit longuement ses représentants. Situation ubuesque ? Dans une France qui peine à affronter la crise économique au point qu’on la dit menacée d’un déclin inexorable, le président de la République distrait au pied levé 40 minutes de son précieux temps pour gérer ce qui ressemble à s’y méprendre à la crise d’adulescents vindicatifs… Et tout ça pour reculer. Mués en porte-parole de l’Élysée, nos deux émissaires n’affirment-ils pas sur le perron du Palais présidentiel que l’expression « liberté de conscience » a été retirée ? Selon un Nicolas Gougain « rassuré », François Hollande aurait reconnu que la formule employée devant les maires n’était pas « approprié[e] ».
Du côté des dirigeants de l’Association des maires de France, on feint de s’en tenir à ce qui a été prononcé publiquement, devant des milliers de témoins. Comme si le double-langage public pouvait contenter les deux camps ! En coulisse toutefois, la tentative d’apaisement présidentielle a du mal à passer. Elle s’est muée en camouflet. Le porte-parole des Maires pour l’enfance peut désormais compter sur l’engagement encore plus déterminé de ses adhérents et sur de nouvelles signatures…
Et surtout, le chef de l’État a bien reconnu publiquement que marier deux personnes de même sexe, avec droit d’adopter des enfants, peut légitimement heurter la conscience d’un élu. Puis en se rétractant c’est bien la liberté de conscience des élus qu’il a fait reculer… Selon le moment de leur prise de parole, les leaders d’une opposition en pleine crise de leadership ont eu beau jeu de constater un « vrai début de recul » (Jean-François Copé) puis, à l’image de Laurent Wauquier, un « cafouillis ».
Pendant ce temps, les auditions se poursuivent d’une étrange façon à l’Assemblée nationale. Le député PS Erwan Binet, rapporteur du projet, a appelé les « pro mariage gay » pour ses auditions publiques, mais ne consent à rencontrer la plupart des « anti » qu’au cours de rencontres privées. En découvrant que 100 % des juristes auditionnés (comme les sociologues) soutenaient le projet gouvernemental, d’autres juristes se sont rebellés sur le Net.
D’autant qu’Erwan Binet se justifie en prétendant que les opposants le sont par « posture » et « sans argument de fond » ! En perspective de la première manifestation nationale qui se prépare à Paris, le 13 janvier 2013, tout se passe comme si le gouvernement voulait que la colère monte.