Paris, 22 mars 2012 – Campagne choc pro-euthanasie pour interpeller les candidats, promesse de Hollande pour faire évoluer la loi sur la fin de vie, refus de Sarkozy de glisser vers une aide active à mourir: le difficile débat sur l’euthanasie s’est immiscé dans la campagne présidentielle.
Auteur d’encarts provocateurs montrant Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et François Bayrou sur un lit d’hôpital, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) « a réussi son pari »: faire de l’euthanasie un des thèmes de campagne.
« Les politiques se prononcent sur l’euthanasie, ce qu’ils ne faisaient pas avant. C’est la première fois que ce thème est autant traité dans une campagne » estime Jean-Luc Romero, président de l’ADMD et conseiller régional PS d’Ile-de-France.
En point d’orgue, cette association qui milite pour que « chaque Français puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie » en recourant éventuellement à une injection létale, organise samedi à Paris un rassemblement qui se veut « démonstration » de force avant les élections.
Mais les candidats n’ont pas attendu ce battage pour se prononcer sur la question. Le candidat socialiste s’est exprimé à plusieurs reprises et de manière articulée sur le thème, se déclarant partisan dans « des conditions précises et strictes » d’une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Tout en ne retenant pas le mot d' »euthanasie », M. Hollande estime qu' »il faudra une procédure: quand une personne demande, parce qu’elle n’en peut plus (…). Il ne s’agit pas de dépénaliser mais d’encadrer cette mort dans la dignité ».
Les deux autres grands candidats de gauche, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon, n’ont pas été aussi loin dans l’explication mais se sont montrés ouverts à une évolution.
Clivage gauche-droite trompeur
A l’inverse Nicolas Sarkozy s’est déclaré fermement opposé à un changement législatif sur la fin de vie actuellement encadrée par la Loi Leonetti qui, depuis 2005, interdit l’acharnement thérapeutique et instaure un droit au « laisser mourir ».
Cette loi autorise l’administration par les médecins de traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance avec pour « effet secondaire d’abréger la vie » d’un malade.
Pour le candidat-président, « la loi Leonetti est parfaitement équilibrée, elle fixe un principe, celui du respect de la vie » alors que « l’euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux ».
Même position assumée par le centriste François Bayrou qui juge que la loi Leonetti « constitue un équilibre » et la représentante du Front national Marine Le Pen qui estime « suffisante » la législation.
Le clivage gauche-droite que semble susciter la question est trompeur car il ne reflète en aucun cas une unanimité dans l’un et l’autre camp, souligne Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, mouvement opposé à l’euthanasie et aussi à l’avortement.
M. Derville se dit « inquiet » de la proposition de Hollande: « une porte entre-ouverte à l’injection létale » alors que la loi Leonetti « est la loi qu’il faut » et qu’on se doit « d’expliquer aux soignants ».
La méconnaissance du personnel soignant et plus généralement l’ignorance du public sur cette loi constituaient la première conclusion du rapport remis en février par l’Observatoire national de la fin de vie.
En contre-point de la campagne pro-euthanasie de l’ADMD, Alliance Vita et aussi la fédération laïque Jalmav (pour « Jusqu’à la mort accompagner la vie ») ont mis sur pied des campagnes nationales pour mieux informer sur les soins palliatifs et la loi Leonetti.
« Il ne s’agit pas de multiplier les lois mais de faire appliquer celle qui existe » insiste la présidente de Jalmav, Paulette Le Lann.