Les défis actuels du vieillissement et de la dépendance
26/01/2012

Les défis actuels du vieillissement et de la dépendance

 

« Non à l’euthanasie des « vieux » – Solidaires des plus fragiles »

 

9 et 10 décembre 2011 :  service des personnes âgées et contre l’euthanasie, à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Homme.

1- Pourquoi se mobiliser contre l’euthanasie des personnes âgées ?

En août 2011, la presse révélait que des personnes âgées avaient été euthanasiées au curare dans un hôpital de Bayonne. La mobilisation qui a suivi pour tenter de soutenir le médecin mis en cause par d’autres soignants a montré que, pour une certaine partie de l’opinion publique, la mort provoquée de personnes âgées pouvait être passée sous silence ou même acceptable.

SOS fin de vie, le service d’aide et de conseil d’Alliance VITA, a reçu des appels de détresse de personnes âgées manifestant leur perte de confiance dans l’hôpital et envers les soignants, et leur désir d’être soignées et accompagnées jusqu’au terme naturel de leur vie.

Alors que des élections majeures se préparent pour le printemps 2012, Alliance VITA appelle les candidats à s’engager fortement à promouvoir la solidarité intergénérationnelle, contre toute tentative de légalisation de l’euthanasie dont nos aînés seraient les premières victimes.

La situation des rares pays qui ont légalisé l’euthanasie doit nous alerter, car des dérives graves se multiplient. Ainsi, à titre d’exemple :

  • Aux Pays-Bas, le 9 novembre 2011, l’Association néerlandaise pour une fin de vie volontaire (NVVE) révélait que, pour la première fois, une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé avait été euthanasiée.
  • Des pressions croissantes s’exercent en Belgique comme aux Pays-Bas pour accorder l’euthanasie aux personnes âgées qui ne sont pas en fin de vie. Une proposition de loi a même été déposée au Parlement néerlandais en 2010, qui a pour but d’autoriser les personnes de plus de 70 ans à obtenir l’euthanasie sans motif médical.

A l’heure où l’Union européenne a choisi de déclarer 2012 comme l’année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, Alliance VITA demande un soutien national et européen en faveur des personnes âgées et un engagement solennel contre l’euthanasie.

Trois priorités pour les candidats :

1. Refuser une loi légalisant l’euthanasie ;

2. Voter une loi organisant le financement et la prise en charge de la dépendance, pour anticiper l’augmentation de la population des personnes âgées ;

3. Promouvoir une culture qui donne toute sa place au grand âge au cœur de la société.

 

2- Quelques chiffres sur les personnes âgées et le vieillissement

Les personnes âgées de 65 ans et plus sont 11,2 millions de personnes en 2011, elles représentent 17,1% de la population française (Pour info : 20,7% de la population en Allemagne et 11,3% en Irlande). Les moins de 20 ans étaient 16 millions en 2011, ils représentent 24,5% de la population. (Source INSEE).

Les projections démographiques font état d’une augmentation de 25% des personnes âgées de plus de 75 ans d’ici 2025. Leur nombre passerait de 5,5 millions en 2010 à 6,6 millions en 2025.

La dépendance concerne 2,7% de la population des 60-79 ans et 11,2%1 au-delà de 82 ans avec une durée moyenne d’environ 4 ans2 (source : Conseil économique, social et environnemental – La dépendance des personnes âgées juin 2011).

Plus de 6 personnes sur 10 âgées de 80 ans et plus vivent à domicile. 25% souffrent s’une perte d’autonomie modérée et 2,5% d’une dépendance forte. 657 0003 personnes âgées sont accueillies en établissement, à l’âge d’entrée moyen de 83,5 ans.

La maladie d’Alzheimer touche à partir de 85 ans une femme sur 4 et un homme sur 5. On évalue à 800 000 le nombre de personnes atteintes de la maladie actuellement en France. Près de 350 000 personnes bénéficient d’une prise en charge pour affection de longue durée (Source plan Alzheimer 2008-2012).

L’espérance de vie des Français a beaucoup augmenté ces dernières décennies : 78,2 ans pour les hommes et 84,8 ans pour les femmes. Celle des femmes est aussi supérieure à la moyenne des Européennes (82,6 ans) (source INSEE).

En 2011, le nombre de décès, tous âges confondus, est de 555 000 en France (Source : INSEE) dont 30% de maladies cardio-vasculaires et 30% de cancer.

On estime4 que 16 à 25 % des personnes âgées de plus de 70 ans se sentent isolées.

Les personnes de plus de 65 ans représentent près d’un tiers des personnes qui se suicident. Pour environ 10 000 suicides en France chaque année, 3000 concernent des personnes de plus de 65 ans. Le taux de suicide augmente avec l’âge : il passe de 6,7 décès pour 100 000 habitants entre 15 et 24 ans à 33,6 après 74 ans. (source : Dress- L’état de santé de la population en France – 2011)

Plus de la moitié des Français meurent à l’hôpital : 59,5% des personnes meurent à l’hôpital et 12% en maison de retraite en raison des exigences techniques de la médecine moderne d’une part, et de l’éclatement ou de l’éparpillement des familles dont le rythme de vie est difficilement conciliable avec l’exigence de l’accompagnement de fin de vie des proches, d’autre part.

Lorsqu’on les interroge, 70% des Français affirment désirer mourir à domicile.

En 2003, la canicule a provoqué au mois d’août un excédent de 15 000 décès chez les personnes âgées.

L’euthanasie illégale n’est pas quantifiable.

 

3- Combattre la solitude et l’euthanasie sociale des personnes âgées

L’épisode de la canicule en 2003 a éveillé l’opinion sur la solitude des personnes âgées.

Un collectif d’associations5 a conduit une enquête auprès de 4989 personnes de plus de 65 ans. Son objectif était de mieux appréhender la solitude et l’isolement des personnes âgées et de définir des indicateurs pour mieux les prévenir. Cette étude, publiée le 1er octobre 2006, confirmait les résultats d’études précédentes.

A) La solitude augmente avec l’âge6

  • Les facteurs d’isolement sont principalement liés à l’avancée en âge, à un niveau socio-économique faible et à des problèmes de santé. Différents facteurs sont avancés comme étant à l’origine de la solitude : le manque d’estime de soi, le fait de ne pouvoir compter sur quelqu’un en cas de besoin, l’éloignement de la famille…
  • Les femmes sont plus seules et vivent plus difficilement l’entrée en institution : une femme sur 5 âgée de 75 ans et plus vit en couple, alors que c’est le cas de 2 hommes sur 3.
  • L’isolement social ne correspond pas forcément à l’isolement résidentiel. Une étude conduite pas le Credoc auprès des personnes âgées à Paris conclut à l’attachement des personnes âgées à leur logement : « l’entrée en institution est souvent envisagée sous l’angle de la nécessité absolue, comme une fin de vie non choisie ».
  • Les personnes qui se sentent les plus seules combinent plusieurs critères : perte du conjoint, problèmes de santé invalidants et le fait de sortir rarement de chez soi, ce dernier critère apparaissant comme un mécanisme essentiel favorisant la solitude. La période charnière se situe entre 79 et 83 ans. La solitude apparait alors comme une souffrance ajoutée.

B) La famille reste le lieu de référence de relation entre les générations.

  • 9 personnes sur 10 disent avoir de la famille : 30% d’entre elles se sentent seules souvent ou très souvent alors que ce chiffre est de plus de 50% pour les personnes qui n’ont pas de famille. Plus encore que l’existence d’une famille, c’est le nombre de personnes la composant qui est déterminant pour la vitalité relationnelle.
  • L’étude fait apparaître que l’on peut presque tout demander à une personne de la famille, spécialement les services et les relations de confiance, plus qu’à des aidants bénévoles.

C) Le manque de considération est aussi un facteur d’isolement

  • 17 % des personnes âgées interrogées mettent en cause l’incompréhension et le manque d’écoute parmi les raisons de la solitude.

Une étude conduite par le Credoc auprès des retraités bénéficiaires de l’action sociale de la CNAV7(350 000 bénéficiaires qui disposent de revenus modestes) et publiée en novembre 2011, révèle la profonde fragilité des personnes âgées : elles sont en situation relative d’autonomie mais ont besoin d’une aide financière ou matérielle pour continuer à vivre à domicile. Les deux tiers d’entre elles ont au mois un enfant qui habite à moins d’une heure de chez elles.

L’entourage répond souvent aux besoins d’aide quotidienne ; pourtant un tiers des personnes âgées interrogées déclare se sentir souvent seul. Le sentiment de solitude est plus important chez les moins âgées : 44% des moins de 75 ans et 25% des 85 ans et plus. Ce phénomène pourrait être imputé à la rupture brutale de relations sociales les années qui suivent la mise à la retraite.

L’on observe qu’une forme d’euthanasie sociale est en train de s’opérer envers les personnes âgées de plus de 65 ans, dans une société mue par l’utilité et la rentabilité.

 

4- Un point d’alerte : le suicide des personnes âgées

Parmi les principales causes répertoriées du suicide de nos aînés figurent le décès du conjoint, l’éloignement des enfants et petits-enfants, l’isolement social associé au déclin de leurs capacités physiques, un univers social et affectif qui devient limité, le manque de considération pour les gens qui ne sont plus actifs.

Les signes prémonitoires sont difficiles à déceler et méritent une étude et une prévention adaptée. La fréquence des états dépressifs est retrouvée chez 83 à 87 % des suicidants : « La présentation clinique de la dépression chez la personne âgée est moins évidente et moins franche que pour l’adulte plus jeune8».

 

5- Accompagner jusqu’au bout : ne pas abandonner le grand âge

A) Une offre de soins adaptée : prévenir la rupture dans la chaîne des soins

Des efforts soutenus ont été entrepris depuis plusieurs années pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et développer une offre d’hébergement adaptée au niveau de dépendance9. Que ce soit à domicile, en maison de retraite10 ou en établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), la prise en charge de la fin de vie doit s’adapter au grand âge.

Selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la mort à l’hôpital publié en 2010, le plus grand nombre de décès en milieu médical se produit dans les services de réanimation médicale, puis en unité de soins palliatifs et enfin en service de gériatrie.

Il a été mesuré que 55 % des personnes décédées en service de réanimation avaient plus de 70 ans. Si le grand âge ne les exclut pas d’office des soins, nombre de décès auraient pu être évités dans des services d’urgence qui sont moins adaptés pour assister les personnes en fin de vie. Cet état de fait peut évoluer, mais cela requiert la vigilance de tous et implique un changement culturel.

B) Développer les soins palliatifs hors système hospitalier

L’IGAS, dans le rapport précité, a constaté une absence de lien entre l’hospitalisation à domicile et le service des urgences, dans la mesure où un patient en fin de vie souhaite généralement finir sa vie à domicile tandis que sa famille, voyant son état empirer, le conduit aux services d’urgence. Ce cas particulier pourrait être caractérisé d’acharnement thérapeutique. Il peut être résolu si les services de soins palliatifs étaient plus nombreux et non principalement réservés, comme c’est le cas aujourd’hui, aux personnes atteintes de cancers en phase terminale.

Les soins qui peuvent être qualifiés de « palliatifs » augmentent en maisons de retraite sans qu’ils soient reconnus comme tels. L’Etat permet seulement que ces établissements signent une convention avec l’hôpital le plus proche pour obtenir une assistance en soins palliatifs.

Former le personnel des maisons de retraite et ouvrir des lits de soins palliatifs en EHPAD permettrait de maintenir le lien construit entre les personnes âgées et le personnel.

Enfin, la fin de vie à l’hôpital doit être un sujet à part entière, faisant l’objet de protocoles et de pratiques définis conjointement avec des psychologues, des assistantes sociales et des proches. Dans ces derniers instants de vie du patient, tout doit être fait pour faciliter la présence des proches.

C) Une étude révèle que les personnes âgées sont majoritairement opposées à l’euthanasie

En octobre 2011, le centre d’éthique de Cochin a rendu publics les résultats d’une enquête conduite auprès de 200 personnes de plus de 75 ans, certaines vivant en maison de retraite, d’autres suivies en cardiologie ou en cancérologie ou menacées par une maladie de type Alzheimer. Cette enquête avait pour but d’interroger les personnes sur les directives anticipées proposées par la loi fin de vie de 2005. «Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie.»

90 % des personnes interrogées disent ne pas connaître le concept de «directives anticipées». 83 % disent «qu’elles ne sont pas intéressées, et qu’elles ne s’en saisiront pas». Les personnes âgées font confiance à leur médecin pour les décisions de fin de vie, comme l’arrêt des traitements actifs lorsqu’ils ne servent plus à rien. Elles craignent que les directives anticipées ne conduisent à déresponsabiliser le médecin.

 

6- Accompagner le vieillissement et la dépendance : la solidarité de tous

Le groupe de travail Société et vieillissement mis en place en 2011 par le Ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale pour étudier une meilleure prise en charge de la dépendance a conclu sur deux convictions qui doivent interroger l’ensemble des Français :

  • La prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées sera d’autant meilleure que les Français accepteront le vieillissement comme un élément positif de leur parcours de vie.
  • La dynamique du lien social, l’intégration dans la ville et le quartier, dans les réseaux sociaux, qu’ils soient familiaux ou amicaux, sont des composantes essentielles du bien vieillir et de la prévention de la perte d’autonomie.

Pour le groupe de travail, ces convictions vont à l’encontre de la vision négative actuelle du vieillissement et de la perte d’autonomie des personnes âgées qui explique en partie un « déni de projection », une approche fataliste peu propice à la prévention et des politiques peu imaginatives du grand âge.

Ces constructions sociales péjoratives sont en décalage avec les réalités actuelles : grâce aux progrès médicaux, économiques et culturels, la vieillesse se concrétise aujourd’hui plus tardivement que le «couperet» encore très présent de l’âge de 60 ans ou maintenant de 65 ans. La perte d’autonomie des personnes âgées ne touche qu’une minorité de personnes très âgées et peut être évitée ou retardée non seulement par des actions médicales, et médico‐sociales, mais aussi sociales qui visent à maintenir vivants les liens des personnes âgées avec leur entourage et leur voisinage.

Source : Dossier de presse – Débat national sur la dépendance – 21 juin 2011.

 

7- Dépendance et fin de vie, enjeu électoral 2012

A l’issue du grand débat national sur la dépendance, qui s’est tenu au premier semestre de l’année 2011, et des conclusions des quatre groupes de travail mis en place par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, ainsi que de tous les travaux accomplis sur le sujet, tant par les commissions permanentes du Parlement que par des missions ad hoc ou par le Conseil économique, social et environnemental, une grande loi sur la dépendance devait être adoptée avant la fin de la législature.

Annoncé par le Président de la République, ce texte a été reporté sine die en raison de la crise économique, et surtout budgétaire, que connaît notre pays. L’enjeu de la réforme de la dépendance, c’est à la fois améliorer le dispositif actuel et préparer l’avenir : « la question de la dépendance résulte avant tout du vieillissement. Ce dernier trouve sa source dans l’augmentation de l’espérance de vie (….) et dans l’arrivée à des âges élevés des générations nombreuses du baby boom11».

Dès lors, on ne peut que regretter que le traitement réservé aux personnes âgées dépendantes soit ainsi soumis aux aléas économiques.

Dans le même temps, certaines formations politiques en viennent à prôner la légalisation de l’euthanasie.

L’euthanasie ne doit pas devenir une solution économique, comme le sous-entend Jacques Attali12: « L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement ».

 
  1.  Enquête Handicap Santé en ménages ordinaires DRESS INSEE 2008 ↩
  2.  Durée moyenne du versement de l’Allocation personnalisée d’Autonomie – APA ↩
  3.  Au 31 décembre 2007 ↩
  4.  http://www.sante.axaprevention.fr ↩
  5.  Association des Cités du Secours Catholique, la Croix Rouge Française, la Fédération de l’Entraide Protestante, le Fonds Social Juif Unifié, les Religieuses dans les Professions de Santé, le Secours Catholique, la Société de Saint-Vincent de Paul et les Petits Frères des Pauvres ↩
  6.  Isolement relationnel et mal-être Insee Première novembre 2003 : les seniors sont cinq fois plus isolés que les jeunes ↩
  7.  Caisse nationale d’assurance vieillesse ↩
  8.  Suicide des personnes âgées et Ephad : facteurs de risque et prévention. Dr G. Saliou 2008-2009 ↩
  9.  La dépendance est mesurée avec un outil qui répartit le niveau de dépendance en 6 « groupes iso ressource » (GIR). Le GIR 1 regroupe les personnes âgées très dépendantes alors que le dernier groupe GIR 6 regroupe des personnes encore autonomes partiellement ↩
  10.  Maison de retraite ou EHPA (établissement hébergeant des personnes âgées). Il existe aussi des logements adaptés avec des services de proximité ↩
  11.  Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances et modérateur du groupe de travail « perspectives démographiques et financières de la dépendance »- Débat national sur la dépendance ↩
  12.  L’homme nomade Jacques Attali – édition Fayard ↩