Le lobby de l’euthanasie est décidé à faire feu de tout bois pendant la campagne présidentielle. Mais quelle est sa réelle influence électorale ? Pour la quatrième année consécutive, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) a choisi le 2 novembre pour manifester à Paris, sur le Parvis des Droits de l’homme du Trocadéro, et dans d’autres villes de France, en faveur de l’euthanasie.
Pour 2011, la tentative de récupération du jour des morts, détourné en « journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité », a franchi une nouvelle étape avec des encarts publicitaires dans deux quotidiens nationaux et même un spot télévisé diffusé trois fois sur France 2. L’image et le slogan visent le choc. Vue au travers des barreaux d’un lit d’hôpital, une femme inanimée est reliée à des machines. Légende : « Certains condamnés n’ont toujours pas le droit de voir leur peine écourtée ». Faudrait-il instaurer une « peine de mort » terminale pour les personnes gravement malades ? C’est ce que craint Robert Badinter. L’ancien garde des Sceaux a dénoncé la menace d’arbitraire qu’il perçoit derrière l’idée de légaliser l’euthanasie, même partiellement. Le procédé publicitaire qui consiste à effrayer à propos des derniers jours est quant à lui jugé « insultant » par le professeur Olivier Jonquet, chef du service de réanimation médicale du CHU de Montpellier.
Réduire la fin d’une vie au bip d’une machine, n’est-ce pas méconnaître les efforts que font les proches et le personnel soignant pour humaniser des instants qui se révèlent bien souvent précieux ? Le lobby de l’euthanasie assume une stratégie anxiogène Quoi qu’il en soit, le lobby de l’euthanasie assume une stratégie anxiogène. Il se targue de sondages d’opinion selon lesquels 94% des Français approuveraient désormais le recours à l’euthanasie.
Qu’en est-il en réalité ?
D’abord, il n’est pas du tout certain que les sondés fassent la différence entre l’arrêt ou l’abstention des traitements disproportionnés (souvent dénommés acharnement thérapeutique) et la pratique de l’euthanasie, ni, d’ailleurs, qu’ils aient pleinement conscience de ce que proposent les services de soins palliatifs. L’ADMD les prétend « compatibles » avec la pratique de l’euthanasie, mais elle les décrit comme des mouroirs, avec sa conception misérabiliste de la dépendance en fin de vie. Ensuite, et surtout, il est encore moins certain que l’impact électoral de l’euthanasie soit à la hauteur de ce qu’avancent ses promoteurs. Ils clament : « Pas une voix pour les candidats anti-euthanasie » et leur dernier encart en appelle aux candidats à la présidence de la République. Certes, fin 2009 puis début 2011, deux propositions de loi ont fait émerger le débat sur l’euthanasie au Parlement sous l’impulsion du Parti socialiste. Mais le vainqueur des primaires du PS est celui qui est resté le plus évasif sur le sujet. François Hollande s’est contenté de promettre un débat, qui, certes, serait à hauts risques, alors qu’avec 0,6% des suffrages, le plus transgressif des six candidats sur les questions de société, le radical de gauche Jean-Michel Baylet, est arrivé bon dernier…
C’est considérer qu’une telle loi est inéluctable qui serait fatal Force est de constater que l’ADMD a rassemblé moins de 200 personnes le 2 novembre dans la capitale. Pas de quoi pavoiser, même si Jean-Luc Romero annonce « plus de 500 manifestants ». Sur Twitter, il ne s’estime plus d’ailleurs que « raisonnablement optimiste » sur la loi qu’il appelle de ses vœux. En réalité, pour la plupart des Français, elle n’est aucunement une priorité politique. Les électeurs qui font de l’opposition à l’euthanasie un critère majeur de leur vote pourraient même être nettement plus nombreux que ceux décidés à réserver leur voix à l’euthanasie. Est-ce la raison de la prudence affichée par François Hollande ? Le décalage est fréquent entre une température de l’opinion prise au travers de sondages et le poids politique réel d’un sujet.
C’est justement le cas pour la peine de mort. La responsabilité politique sait parfois résister aux impulsions populaires. Jean-Luc Romero n’a de cesse d’obtenir des candidats un engagement ferme. En se faisant menaçant, jouerait-il à la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf ?
La menace d’une loi socialiste pour l’euthanasie est réelle, mais c’est considérer qu’une telle loi est inéluctable qui serait fatal. L’enjeu des prochains mois est de résister à l’intimidation. La crédibilité de l’ADMD peut tout autant s’imposer à l’usure que se dégonfler comme une baudruche.