Devant l’Assemblée nationale, le 11 février 2011
Discours de Tugdual Derville
Délégué Général de l’Alliance pour les Droits de la Vie
Chers amis,
La France détient le record du monde du dépistage prénatal (DPN) du handicap suivi d’IMG (interruption médicale de grossesse).
Désormais en France, plus de 96% des fœtus dépistés trisomiques sont avortés, et 100% de certaines pathologies graves.
Les demandes d’IMG se sont multipliées pour des pathologies mineures et curables. On avance la notion de « libre choix des couples », mais peut-on parler de liberté quand la décision est dictée par la peur d’un soutien insuffisant de la société, quand on laisse croire aux familles qu’un handicap est synonyme de malheur ?
La pression sociale va dans le sens de l’exclusion. Le regard de pitié ou de peur exclue. Contrepartie de notre système de santé performant, la quasi-systématisation des diagnostics prénataux est devenue source d’une angoisse inutile pour la plupart des femmes enceintes. Elles le confient quotidiennement à nos services d’écoute. Et les équipes soignantes sont soumises à l’exigence du « bébé zéro défaut » et à la peur des actions judiciaires. De nombreux professionnels de la grossesse et de la naissance ont lancé la même alerte que nous.
Enfin, on occulte le nombre de fœtus qui perdent la vie à cause de 80 000 amniocentèses réalisées chaque année : un record mondial. Pour chaque fœtus trisomique qui sera avorté, on assume plus d’une fausse-couche involontaire d’un fœtus non porteur de l’anomalie !
La technique du DPI (diagnostic préimplantatoire des embryons conçus in vitro suivi d’une sélection) s’est fortement développée en quelques années.
Après la mise à l’écart des embryons porteurs de maladie graves, on a commencé à écarter ceux qui étaient porteurs de gènes prédisposant à certains cancers héréditaires, mais dont on n’est pas certain qu’elles se déclareront. Par « principe de précaution » on trie des êtres humains sans envisager que les progrès de la médecine auraient pu guérir demain ceux qu’on exclue aujourd’hui.
Et le double-dpi (en vue de faire naître ce que certains nomment bébé-médicament) ajoute une étape de plus dans ce tri, en sélectionnant, à l’état embryonnaire, parmi ses frères ou sœurs celui qui sera donneur compatible d’un aîné malade.
En réalité, l’alternative éthique existe : les banques de sang du cordon ombilical pour lesquelles la France a pris du retard et dont nous demandons la généralisation.
Peut-on parler d’eugénisme ?
Officiellement non. Article 16-4 du Code Civil : « Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. »
En réalité oui : « eugénisme de masse » même selon l’artisan des deux premières lois bioéthiques, le professeur Jean-François Mattei. Et l’ensemble des experts en est désormais conscient.
Le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique a lui-même déclaré que la France était « l’un des pays aux monde qui flirtait le plus avec l’eugénisme ». Il faut rappeler que ce concept d’eugénisme est né dans les grandes démocraties occidentales au début du XXe siècle, avec, à partir de 1907 la fondation des sociétés eugénistes. Leur préconisations étaient radicales : stérilisation des délinquants, des asociaux et des malformés. Euthanasies forcées. Il a fallu l’industrialisation de ces préconisations par un régime totalitaire au milieu du siècle pour que le monde prenne conscience de leur horreur.
Notre eugénisme n’a plus les mêmes mobiles mais il n’en est pas moins radical : il est « compassionnel » et inconscient. On prétend trier et éliminer pour le bonheur des parents et pour éviter le malheur aux êtres humains qu’on ne laisse pas naître. Mais nous allons dans le mur avec l’explosion et la systématisation des techniques.
Nous sommes tous concernés.
Il n’existe pas de génotype parfait, ni d’homme idéal ou supérieur. Nous sommes tous vulnérables, défaillants. Nous sommes tous d’ailleurs des « embryons retraités », et de plus en plus rescapés des examens de passage vers la naissance. Car nous sommes tous génétiquement incorrects.
En désignant l’un des nôtres comme indigne de vivre, c’est nous-mêmes que nous « renions » selon le mot du pianiste Michel Petrucciani.
Et la menace n’a rien de virtuel à partir du moment où la médecine prédictive va permettre de traquer de plus en plus les gènes « défaillants ». La dérive d’un principe de précaution appliqué à l’être humain avant la naissance est susceptible d’écarter de plus en plus de personnes. Le « Meilleur des mondes » n’est pas loin où l’on ne peut même plus procréer librement…
Faut-il souligner que chacun d’entre nous peut un jour se retrouver en état de handicap ou de dépendance similaire à ceux que nous désignons comme « indignes de vivre » ?
Faut-il, pour prendre conscience de ce que l’humanité perd en écartant ceux qu’elle prétend non conformes, citer les génies qu’on ne laisserait plus naître ?
Didier Sicard l’a clairement exprimé dès 2007 :
« Je suis profondément inquiet devant le caractère systématique des dépistages, devant un système de pensée unique, devant le fait que tout ceci soit désormais considéré comme un acquis. Cette évolution et cette radicalité me posent problème. Comment défendre un droit à l’inexistence ? J’ajoute que le dépistage réduit la personne à une caractéristique. C’est ainsi que certains souhaitent que l’on dépiste systématiquement la maladie de Marfan dont souffraient notamment le président Lincoln et Mendelssohn. Aujourd’hui, Mozart, parce qu’il souffrait probablement de la maladie de Gilles de la Tourette, Einstein et son cerveau hypertrophié à gauche, Petrucciani par sa maladie osseuse, seraient considérés comme des déviants indignes de vivre. On ne peut pas ne pas s’inquiéter du refus contemporain grandissant de l’anomalie identifiable par un dépistage. Nous donnons sans arrêt, avec une extraordinaire naïveté, une caution scientifique à ce qui au fond nous dérange. Et nous ne sommes pas très loin des impasses dans lesquelles on a commencé à s’engager à la fin du XIXe siècle pour faire dire à la science qui pouvait vivre et qui ne devait pas vivre. Or l’histoire a amplement montré où pouvaient conduire les entreprises d’exclusion des groupes humains de la cité sur des critères culturels, biologiques, ethniques. » (Le Monde)
Et le même Didier Sicard s’est aussi alarmé de la tendance à éliminer selon les risques de survenue d’une maladie, ce qu’il nomme « les zones grises » de notre phénotype. Les professeurs Jacques Testard, Israël Nisand et bien d’autres ont également évoqué la réalité de notre eugénisme. Et le Premier ministre lui-même s’est interrogé récemment à son propos.
Nous leur disons : la prise de conscience, c’est bien. Mais il faut passer aux actes. Et c’est ce que nous demandons aux députés. Il faut agir vite parce que, demain, les tests sur le sang maternel permettront de déceler très tôt des accidents génétiques qui donneront lieu à des IVG de panique, aux conséquences désastreuses.
Plutôt que d’inscrire dans la loi la proposition systématique du DPN à toutes les femmes, il faudrait valoriser les exemples de personnes handicapées qui ont pris toute leur place dans la société. Plutôt que de supprimer les fœtus atteints, comme Claire, ici présente, de spina-bifida, ou de Trisomie 21 (comme la fille de notre président, le docteur Xavier Mirabel ou celle d’Henri de Soos, ici présent) ou de toute autre affection, en abandonnant progressivement tout effort de recherche sur ces pathologies, il faudrait intensifier les recherches pour soigner et guérir. Plutôt que d’applaudir le double-DPI, il faudrait systématiser le recueil du sang du cordon ombilical. Plutôt que d’élargir les dérogations à la recherche sur l’embryon, alors que ces recherches n’ont strictement rien donné au plan thérapeutique dans le monde entier, il faudrait encourager et financer les recherche sur les cellules non embryonnaires qui elles, ont fait la preuve de leurs performances thérapeutiques. Plutôt que de dériver vers le fantasme du bébé zéro défaut, il faudrait reconnaitre que nous sommes tous interdépendants les uns des autres, et accueillir chaque être humain comme précieux. Car le sort que nous réservons aux plus vulnérables, mesure notre degré de civilisation. Et je veux remercier ici, notre ami Gilbert, champion de France de Boccia, qui est venu manifester qu’un handicap n’empêche pas d’exprimer des talents, à commencer par une force de cœur époustouflante. Oui, il n’appartient pas à l’homme d’accorder des brevets d’humanité ! L’Alliance pour les Droits de la Vie souhaite aujourd’hui remercier les parlementaires qui ont courageusement proposé des amendements en ce sens, comme les 25 000 signataires de la pétition que nous avons lancée il y a dix jours les y encouragent. Je vous remercie.
Ce que nous demandons
Plutôt que d’inscrire dans la loi la proposition systématique du DPN à toutes les femmes, il faudrait valoriser les exemples de personnes handicapées qui ont pris toute leur place dans la société.
Plutôt que de supprimer les fœtus atteints, comme Claire, ici présente, de spina-bifida, ou de Trisomie 21 (comme la fille de notre président, le docteur Xavier Mirabel ou celle d’Henri de Soos, ici présent) ou de toute autre affection, en abandonnant progressivement tout effort de recherche sur ces pathologies, il faudrait intensifier les recherches pour soigner et guérir.
Plutôt que d’applaudir le double-DPI, il faudrait systématiser le recueil du sang du cordon ombilical.
Plutôt que d’élargir les dérogations à la recherche sur l’embryon, alors que ces recherches n’ont strictement rien donné au plan thérapeutique dans le monde entier, il faudrait encourager et financer les recherche sur les cellules non embryonnaires qui elles, ont fait la preuve de leurs performances thérapeutiques.
Plutôt que de dériver vers le fantasme du bébé zéro défaut, il faudrait reconnaitre que nous sommes tous interdépendants les uns des autres, et accueillir chaque être humain comme précieux. Car le sort que nous réservons aux plus vulnérables, mesure notre degré de civilisation. Et je veux remercier ici, notre ami Gilbert, champion de France de Boccia, qui est venu manifester qu’un handicap n’empêche pas d’exprimer des talents, à commencer par une force de cœur époustouflante.
Oui, il n’appartient pas à l’homme d’accorder des brevets d’humanité !
L’Alliance pour les Droits de la Vie souhaite aujourd’hui remercier les parlementaires qui ont courageusement proposé des amendements en ce sens, comme les 25 000 signataires de la pétition que nous avons lancée il y a dix jours les y encouragent.
Je vous remercie.