Choc entre féminisme et écologie
On aurait pu imaginer que ce féminisme quelque peu outrancier avait disparu, tant il apparaît désuet. Le brillant livre de la philosophe Elisabeth Badinter nous montre qu’il n’en est rien.
Dans la ligne de Simone de Beauvoir, Madame Badinter continue de contester qu’il y ait un instinct maternel. Dans son nouvel ouvrage intitulé « Le conflit, la femme et la mère » publié chez Flammarion – et qui lui a valu une journée entière de tribune sur France Inter le 11 février – la philosophe s’en prend à deux nouveaux «dogmes» que l’écologie fondamentaliste imposerait aux femmes : l’allaitement maternel et les couches lavables.
Car il s’agit pour Elisabeth Badinter de lutter pour un féminisme radical. Selon sa thèse, la femme ne serait pas naturellement encline à aimer son enfant, en tout cas pas plus que les pères. Il n’y aurait pas d’« instinct maternel ». Et la femme ne pourrait s’affirmer que par le travail, l’indépendance financière, une forme de féminité absolument libérée de la maternité.
La voilà aujourd’hui partie en guerre contre l’idéologie écologiste qui domine largement notre paysage politique et qu’elle accuse de conduire les femmes à la régression en voulant les orienter vers une maternité plus « naturelle ». Elle ironise d’ailleurs contre l’accouchement « sauvage ».
Elisabeth Badinter vitupère donc contre les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé qui voudrait que les femmes allaitent leurs bébés : selon elle, ce n’est qu’une nouvelle aliénation car cela oblige les femmes à rester à la maison. Certes, les hommes ne peuvent donner le sein.
Elisabeth Badinter jette l’anathème sur les couches lavables. Car les écologistes jugent les couches jetables – symbole d’émancipation de la femme – peu biodégradables et militent donc pour les couches réutilisables. Ce qu’Elisabeth Badinter fustige donc comme une nouvelle oppression, convaincue que ce ne sont pas les hommes qui laveront les dites couches lavables, ce en quoi on ne peut lui donner tout à fait tort.
Si de nombreuses mères ont rejeté l’époux en se croyant plus libres, elles se sont trouvé un nouveau maître : l’enfant roi Le voilà en effet, le nouveau tyran domestique qui aliène les femmes.
Elisabeth Badinter estime même qu’une étape nécessaire au féminisme est l’émergence des femmes «childless», c’est-à-dire décidant de ne pas devenir mères. Elles ne sont que 10% en France, alors qu’en Allemagne leur proportion a déjà atteint 26%.
Il n’y a pas que des outrances dans la position d’Elisabeth Badinter. Car sa révolte contre le totalitarisme vert qui imprègne largement nos sociétés n’est pas infondée.
Mais en persistant à promouvoir une lutte des classes entre le sexe supposé faible et celui qui dominerait, Madame Badinter fait l’impasse sur l’amour désintéressé au cœur de la vie de famille.
Au fond, ce sont deux idéologies, le féminisme outrancier et l’écologie radicale, qui s’affrontent et se contestent leurs excès. La «vieille garde» de l’ultra-féminisme se rebelle contre le retour de bâton de l’écologisme dictatorial. Le choc pourrait heureusement affaiblir l’une et l’autre utopie.
Evidemment, quand il manque les repères de l’anthropologie et de l’amour vrai, on ne peut que construire des idéologies stériles et contradictoires.
On ne peut s’empêcher de penser qu’il leur manque la foi dans l’amour fidèle. C’est-à-dire l’essentiel.