Un an après la légalisation de « l’aide médicale à mourir » (AMM) au Canada, les premières demandes d’élargissement de la loi font surface par l’intermédiaire d’un certain nombre de cas emblématiques.
Le 17 juin 2016, le Canada s’est doté d’une loi fédérale, appelée C-14, qui dépénalise l’euthanasie et le suicide assisté.
Cette loi fédérale suivait de peu une autre loi sur la fin de vie, appelée loi 52, votée dans la province du Québec : en application de cette loi adoptée en juin 2014 et entrée en vigueur en décembre 2015, 400 euthanasies ont déjà été recensées au Québec.
Des critiques s’étaient déjà rapidement fait entendre, reprochant à la loi fédérale et à la loi québécoise d’être trop restrictives, et allant à l’encontre de la Charte canadienne des lois et des libertés. L’état canadien avait répondu que ces restrictions se justifiaient au nom de la lutte contre le suicide.
La loi fédérale réserve l’accès à l’euthanasie et au suicide assisté aux patients dont « la mort est devenue raisonnablement prévisible », c’est-à-dire imminente ou à très court terme. La loi du Québec, pour sa part, s’adresse aux patients en « fin de vie », ce qui est censé couvrir une période de temps plus large.
Deux Québécois ont déposé un recours pour dénoncer l’inconstitutionnalité de la loi fédérale et de la loi québécoise. Le ministre québécois de la Santé et des Services sociaux a lui-même annoncé récemment une réflexion pour évaluer cette opportunité.
Ainsi, deux cas récents de Montréalais, atteints de graves maladies dégénératives incurables, mais qui n’étaient pas en fin de vie, se sont vu refuser l’euthanasie, le critère de « mort imminente » étant imposé tant par la loi fédérale que par la loi du Québec pour avoir droit à l’aide médicale à mourir. Ces deux malades se sont tournés vers les tribunaux. Selon leur avocat, les lois en vigueur sont inconstitutionnelles, puisqu’elles ne respectent pas les critères établis par la Cour suprême dans l’arrêt Carter de février 2015. Ces critères ne prévoient pas d’autres limites « que la personne soit apte à consentir, majeure, atteinte d’une maladie grave et incurable et qu’elle éprouve des souffrances que la médecine ne peut soulager. ». Le critère de la fin de vie ne devrait donc pas, selon ces plaignants, être opposé aux patients désireux de se faire euthanasier.
Outre le critère de la fin de vie, d’autres discussions sur l’élargissement de loi se font entendre. C’est le cas de l’euthanasie de personnes démentes. Pour l’instant, le droit québecois interdit toute forme d’euthanasie sur les personnes inaptes à consentir aux soins. Pourtant en mars dernier, le conjoint d’une patiente souffrant de démence (Alzheimer) l’a tuée « par compassion ». L’euthanasie de personnes mentalement inaptes fait l’objet de discussions depuis lors.
Alors que l’AMM était réservée au patient souffrant, Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec met en garde contre l’émergence d’un discours réclamant une forme de « mort à la carte », qui pourrait prendre la forme d’un suicide assisté géré par une entreprise privée, comme en Suisse : « Ce qui est frappant, après la première année d’application de cette loi reconnue comme étant à l’origine d’une « ouverture majeure », c’est la rapidité avec laquelle l’opinion publique semble avoir jugé cette ouverture insuffisante. Prenons le temps de bien réfléchir avant d’aller plus loin. Il n’y a pas d’urgence à mourir. »
L’aspect financier pourrait jouer un rôle capital dans la pratique de l’aide médicale à mourir au Canada. Déjà apparaissent, comme aux Etats-Unis, des études chiffrées montrant les économies qui pourraient être faites “grâce” aux demandes d’aides médicales à mourir. Ainsi, une analyse parue dans le Journal de l’association médicale canadienne s’est basée sur les données publiées aux Pays-Bas et en Belgique, où l’aide à mourir est légale depuis un certain temps, en combinaison avec des données de l’Ontario sur les coûts des soins pour les patients en fin de vie. «Si les Canadiens adoptent l’aide médicale à mourir d’une manière et d’une envergure similaire à ce qui passe aux Pays-Bas et en Belgique, on peut s’attendre à une réduction des coûts de soins de santé de l’ordre de dizaines de millions $ par année», écrivent les auteurs de l’étude.
Dans ces deux derniers pays européens, les dérives ne cessent d’augmenter. Alliance VITA a récemment publié un bilan de l’euthanasie en Belgique, 15 ans après la légalisation de cette pratique dans ce pays.
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