« Accompagner l’innovation au service de tous les patients » était le titre choisi pour ces deux journées de l’Agence de la biomédecine (ABM).
Après une plénière d’ouverture avec la directrice de l’ABM, Anne Courrèges, mais aussi Alain Beretz, Directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et Benoît Vallet, directeur général de la santé, Ministère chargé de la santé se sont succédé conférences, tables rondes et ateliers, avec la présence de 700 professionnels de santé.
Pour Anne Courrèges « l’innovation fait partie de notre ADN à l’Agence de biomédecine, et c’est aussi notre préoccupation constante. Beaucoup de réflexions sont en cours. La plus emblématique est celle de la génétique, où tout bouge très vite, en particulier avec CRISPR-Cas9 et le séquençage haut débit. Cela fait bouger beaucoup de lignes »[1.Le quotidien du médecin. Jeudi 18 mai 2017 : Entretien avec Anne Courrèges, présidente de l’ABM.].
Lors de la séance plénière inaugurale, Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, membre du Comité Consultatif National d’Ethique, siégeant également au comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies a ouvert la discussion sur les paradoxes de l’innovation et sur le rôle spécifique de la confiance dans son acceptabilité.
Une grande place cette année a été accordée aux associations de patients, dont nombre d’entre elles intervenaient : AFM-Téléthon, le Collectif BAMP, association neurofibromatoses, Alliance maladies rares etc. L’ABM affiche sa volonté d’ouvrir ses conseils d’orientation et ses comités scientifiques aux associations. Les patients sont de plus en plus reconnus pour leur capacité à faire émerger de nouvelles questions ou de nouvelles pistes de recherche, et également pour leur apport essentiel d’informations.
Le financement apporté par les fondations liées à ces associations présente un intérêt, ni négligeable ni dissimulé, pour le financement de la recherche. 55% des associations participent au financement de la recherche, a rapporté la sociologue Madeleine Akrich dans la plénière de clôture.
Les appels d’offre en cours étaient présentés sous forme de posters. Nombre d’entre eux concernent l’assistance médicale à la procréation, le diagnostic prénatal et le diagnostic génétique. Les thèmes de recherche soutenus par l’ABM concernent les sciences humaines, juridiques, économiques et sociales en ce qui concerne le don de gamètes et les nouvelles techniques d’analyse du génome, les méthodes d’AMP, les techniques de diagnostic préimplantatoire (DPI), la qualité des gamètes et la préservation de la fertilité.
Les sujets principaux des ateliers de ces journées concernaient la greffe, la procréation artificielle, la recherche sur l’embryon et la génétique.
Le diagnostic prénatal fut longuement traité dans une table ronde, en particulier celui de la recherche de la trisomie 21 par dosage de l’ADN libre fœtal circulant dans le sang maternel. La Haute Autorité de Santé (HAS) est intervenue pour présenter ses nouvelles recommandations, deux jours seulement après qu’elles furent annoncées en conférence de presse par leur directrice, Agnès Buzyn, nommée depuis ministre des solidarités et de la santé. La HAS insiste notamment sur le fait qu’il existe une « exigence de rapidité dans la mise en œuvre » de la nouvelle formule préconisée.
Une table ronde était consacrée au rôle des cellules souches embryonnaires et des cellules souches pluripotentes induites dans l’innovation. Le seul essai clinique autorisé en France par l’ANSM, celui du Pr Menasché, a été présenté. S’il a pu démontrer l’absence de problème de tolérance ou de complications chez ses 6 patients, il rapporte que l’utilisation de cellules souches embryonnaires n’a pas donné de signes probants d’utilité thérapeutique dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.
Le programme Maastricht III est un sujet qui a été évoqué à de multiples reprises, en particulier dans un atelier. Ce programme concerne les prélèvements d’organes sur des patients dont la mort est programmée, par une limitation ou un arrêt des thérapeutiques, classées dans une catégorie appelée Maastricht III : Donneurs Décédés après Arrêt Circulatoire (DDAC). Cette mise en place expérimentale dans plusieurs CHU vise à augmenter le nombre de greffons disponibles. Dans les établissements où il est en vigueur, Maastricht III représente 20 à 28% des donneurs décédés prélevés [2. Dr Corinne Antoine, néphrologue, membre de la direction Prélèvement greffes d’organes et de tissus de l’ABM. Le quotidien du médecin. Jeudi 18 mai 2017]. Cette catégorie de donneur n’est pas sans susciter d’importantes questions éthiques.
Furent également traitées les questions de la préservation de la fertilité chez l’homme et la femme dans le cas de prises en charge de cancers, la réglementation des greffes, la conservation des organes et la greffe utérine.
La « feuille de route » 2017-2021 de l’ABM concerne plusieurs grands domaines : le prélèvement et la greffe d’organes et de cellules hématopoïétiques, ainsi que la procréation, l’embryologie et la génétique humaines.
Qualitativement, l’ABM souhaite passer de 5900 à 7800 greffes annuelles d’ici 2021, et dans le domaine de l’AMP, elle affiche l’ambition de parvenir à « l’autosuffisance en don de gamètes ».
Au terme de ces journées, subsistent de graves questions éthiques. Il est notamment regrettable que la recherche sur l’infertilité vise toujours plus l’assistance médicale à la procréation plutôt que la prévention et le soin pour restaurer la fertilité des couples. Si selon M. Benoit Vallet, directeur général de la Santé, l’ABM doit encadrer mais aussi « impulser », il est important de rappeler que les choix scientifiques ne doivent pas se faire sans un véritable débat démocratique car ils touchent la société dans son entier. Or les efforts scientifiques, technologiques et financiers s’orientent vers de plus en plus de diagnostic prénatal, vers un « séquençage » généralisé, et le déploiement grandissant d’un « eugénisme ».
« L’innovation doit servir un « vrai » progrès, qui vise à améliorer la qualité de vie de l’homme mais sans altérer sa nature, qui vise le soin mais sans, pour cela, instrumentaliser certaines catégories d’êtres humains, à quelque stade de développement qu’ils soient. »