PMA : controverses autour d’une tribune militante et insidieuse

PMA
23/03/2016

in vitro fertilisation, ivf macro concept

Dans une tribune publiée le 17 mars 2016 dans Le Monde, 130 médecins et biologistes de la reproduction expliquent avoir transgressé la loi française et demandent notamment l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples homosexuels.

Se voulant dans la continuité du manifeste « Oui, nous avortons » de médecins en 1973 par la co-signature de cette tribune au titre provoquant (« Nous, médecins, avons aidé des couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l’interdit »), ces médecins sont emmenés par le gynécologue René Frydman, qui a participé à la naissance du premier « bébé-éprouvette » en 1982. On trouve également parmi les signataires le gynécologue Israël Nisand.

La tribune formule plusieurs revendications précises sur la réglementation en vigueur concernant l’aide médicale à la procréation :

1) développer le don d’ovocytes en France, car l’offre actuelle ne permet pas de répondre à la demande des couples ;

2) analyser génétiquement les embryons avant transfert dans l’utérus en élargissant la possibilité de diagnostic préimplantatoire (DPI) pour toute fécondation in vitro ;

3) permettre aux femmes de conserver leurs ovocytes sans restriction ;

4) autoriser le don de sperme pour les femmes célibataires (« sans préjugé de son mode relationnel actuel ou futur, homo ou hétérosexuel »). 

A côté de ces quatre revendications, les signataires proposent la création d’un plan contre l’infertilité, comparable aux plans nationaux contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer. Ce plan de prévention viserait à informer sur l’effet inexorable de l’âge et les conséquences de certains comportements alimentaires, des addictions (tabac, alcool, drogue) ou de la pollution. Et pour conclure, les signataires invoquent le respect de « deux principes éthiques fondamentaux » : « la non-commercialisation du corps humain et le refus du risque d’utiliser ou d’aliéner une autre personne à son profit ».

Plusieurs réactions, dont celle du biologiste Jacques Testart ou du professeur de droit Jean-René Binet, sont venues dès le lendemain en contrepoint de ces prises de position, pour rappeler certaines réalités concrètes et les principes éthiques qui fondent les règles applicables en France. Jean-Francois Mattei, ancien ministre de la santé, analyse pour sa part avec sévérité la tribune : « Je ne vois pas dans leur démarche de courage particulier. Les signataires se sont mis hors la loi pour réclamer une évolution législative. Ils s’exposent, certes, à des sanctions de l’ordre des médecins, à des sanctions juridiques. Mais cela relève de leur responsabilité. Pour ma part, si je respecte leur opinion, je constate qu’eux ne respectent pas la démocratie. Les lois de bioéthiques ont été, en 1994, adoptées à une large majorité autour du principe consistant à réserver l’aide médicale à la procréation à des indications médicales. Un principe qui n’a jamais été modifié depuis, alors même que ces lois ont été révisées à deux reprises, en 2004 et 2011 ».

Pour Alliance VITA, une telle tribune militante de professionnels, à la fois juges et parties, interroge sur les raisons profondes d’une telle pression. La nécessité de prévenir l’infertilité et d’engager des études sur les causes de l’infertilité constitue une priorité médicale majeure demandée par VITA depuis 1994. Il est cependant choquant d’en faire une mesure annexe pour justifier en parallèle une fuite en avant qui ne concerne pas la réalité de l’infertilité médicale. D’autant que la moitié des couples qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation, qui n’est en soi qu’un palliatif, n’auront pas d’enfant à l’issue.

De plus, les auteurs de la tribune mettent en avant certains principes éthiques, tout en mettant soigneusement certains autres de côté. Un récent rapport d’information du Sénat a en effet souligné qu’ouvrir la PMA aux couples de même sexe conduit à supprimer l’exigence de l’infertilité médicale et de l’altérité sexuelle, ce qui bouleverserait « la conception française de la PMA, en ouvrant la voie à un « droit à l’enfant» et à une procréation de convenance ». Un avis du Conseil d’Etat en 2009 soulignait déjà qu’il ne s’agissait pas de s’aligner sur le moins-disant éthique, afin de ne pas priver délibérément un enfant de père. Il est surprenant que de tels spécialistes ne veuillent pas reconnaître le statut particulier des gamètes – qu’ils soient masculins ou féminins – , en tant que pourvoyeurs du patrimoine génétique des enfants.

Concernant la demande de développer le don d’ovocytes, avec notamment la fin de la gratuité et la légalisation d’un « dédommagement », les exemples étrangers prouvent qu’un tel basculement de pratique conduit forcément à des formes de commercialisation du corps de la femme. Les auteurs passent également sous silence que ce type de traitement n’est pas sans danger pour la santé des femmes donneuses, et que les actes liés à la procréation artificielle constituent une réalité difficile à vivre pour les couples. Cette technique pose en outre de sérieuses questions éthiques, comme en témoignent ceux qui sont confrontés à une réelle infertilité médicale : procréer naturellement, en étant guéris de leur infertilité, demeure leur souhait le plus profond. Enfin, la possibilité pour toute femme de conserver ses propres ovocytes est loin de faire l’unanimité, comme le confirme un récent sondage.

Quant à l’analyse génétique de l’embryon avant transfert utérin, elle représenterait une pression supplémentaire vers les dérives eugénistes déjà présentes en France, en particulier en ce qui concerne le diagnostic de la trisomie 21.

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