Le vendredi 18 septembre 2015, Kathy Niakan, scientifique travaillant sur les cellules souches à l’Institut Crick Francis de Londres, avait demandé à la « Human Fertilisation and Embryology Authority » (HFEA), l’organisme gouvernemental britannique éditant la réglementation sur les techniques de procréation, une autorisation pour travailler sur la modification du génome des embryons humains.
Ce 14 Janvier, le comité de réglementation britannique évalue cette demande. Dans une conférence de presse, Kathy Niakan est revenue sur les raisons de sa demande. La scientifique travaille sur les embryons humains issus de fécondations in vitro et donnés à la recherche. Elle étudie le passage de l’ovule fécondé en blastocyste, structure qui s’implante ensuite dans l’utérus de la mère. Le blastocyste contient plusieurs types de cellules : celles destinées à devenir le fœtus et celles qui deviennent le placenta et le sac vitellin. Kathy Niakan cherche à comprendre les aspects de la biologie fondamentale du développement précoce de l’embryon humain et le rôle de certains gènes spécifiques, qui pourraient avoir des implications cliniques sur l’infertilité, les fausses couches, les troubles du développement et l’application thérapeutique des cellules souches embryonnaires.
Les chercheurs ont déjà identifié plusieurs milliers de gènes qui sont actifs dans l’embryon, la scientifique et son équipe cherchent à identifier ceux qui sont les principaux régulateurs du développement, et souhaitent utiliser la technique du CRISPR-Cas9 pour inactiver ou activer des gènes, et ainsi mieux en comprendre leurs rôles spécifiques. Les embryons humains utilisés à cette fin seraient détruits au bout de sept jours de développement.
Si la HFEA approuve cette demande, Kathy Niakan espère commencer cette recherche dans quelques mois, même si le projet devra également être approuvé par l’équivalent britannique d’un comité d’examen institutionnel.
Lors de sa conférence de presse, Kathy Niakan était accompagnée de son proche collaborateur Robin Lovell-Badge, très pro-actif sur cette question au Royaume-Uni et dans les débats mondiaux sur l’édition du génome humain : il était dans les comités d’organisation du congrès mondial de Washington et de la déclaration commune de soutien du 2 septembre 2015 sur la recherche et le financement des méthodes de modification du génome, élaborée par l’Académie des sciences médicales et par plusieurs conseils et associations.
Plus réservé, Hugh Whittall, directeur du Nuffield Council on Bioethics à Londres a déclaré : « Les modifications apportées à l’ADN effectuées pour les besoins de cette recherche ne pourront pas être utilisées dans le cadre d’une procédure de traitement. Par contre, cela ouvre la possibilité de scénarios de modification du génome pour corriger une maladie génétique visant à créer un embryon génétiquement modifié pour faire naître un enfant. Ces recherches soulèveraient un certain nombre de questions importantes qui devraient être abordés avant que ces travaux soient entrepris. »
Le Nuffield Council on Bioethics procède actuellement à une mise à contribution publique en ligne pour éclairer l’examen des questions éthiques soulevées par cette technique d’édition du génome.
L’Angleterre donc avance à grands pas sur cette question de l’utilisation du CRISPR-Cas9 pour modifier le génome des embryons humains. Pour Alliance VITA, il s’agit d’une préoccupation majeure. Utiliser l’embryon humain comme simple matériau de recherche suscite de graves questions éthiques. Bien que cette technique soit prometteuse pour la thérapie génique, Tugdual Derville nous rappelle qu’appliquée à l’embryon humain : « elle risque d’engendrer l’avènement du bébé sur mesure, avec des critères génétiques pré-sélectionnés ; des modifications qui seront transmissibles, avec des conséquences méconnues, aux générations suivantes. Le génome humain fait partie de notre « patrimoine de l’humanité » le plus précieux. Son intégrité doit absolument être préservée pour les générations futures.»