Euthanasie : un sondage biaisé pour influencer la campagne présidentielle

14/04/2017

sondage euthanasie

Le 18 mars 2017, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) publiait son dernier sondage, commandité à l’institut Ifop. L’ADMD révélait alors : « 95% sont des Français favorables au droit à l’euthanasie ». Ce chiffre a ensuite été utilisé par ses commanditaires pour faire pression sur les candidats à l’élection présidentielle.

L’émission « Envoyé spécial » a décrypté ce chiffre dans une séquence diffusée le 13 avril 2017.  Pour le journaliste, il s’agit d’ « un chiffre massif qui tombe à point nommé en pleine campagne présidentielle. (…) Un sondage avec des chiffres aussi élevés, c’est quand même rare ».  Il s’est donc interrogé sur la manière dont la question avait été formulée: « certaines personnes souffrant de maladies insupportables et incurables demandent parfois aux médecins une euthanasie, c’est-à-dire qu’on mette fin à leur vie, sans souffrance. Selon vous, la loi française devrait-t-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent ? »

Se demandant si ces questions sont formulées pour orienter les réponses, le journaliste interroge Alain Garrigou, directeur de l’Observatoire des sondages, qui répond qu’à la lecture de la question, cela lui saute aux yeux : « je vois deux fois souffrance. Insupportable. Incurable. Nous sommes dans l’ordre, là, de la compassion. (…) C’est une question qui incite à la compassion et qui fait de celui qui ne l’accepte pas une sorte de salaud. Une question neutre serait plutôt posée comme ça : d’après vous, faut-il faire voter une loi visant à autoriser l’euthanasie? Je prends l’Ifop en flagrant délit de faute méthodologique. Cette question n’est pas neutre ».

A la question « Est-ce que, là, on a cherché à manipuler les sondés ou pas ? », ce dernier réplique : « Il y a une réponse simple : qui est le commanditaire du sondage ? »  Une association en faveur de l’euthanasie, lui dit-on. « Bon, vous avez la réponse ».

En 2014, le collectif « Soulager mais pas tuer » avait commandité un sondage Ifop sur cette thématique de la fin de vie.

A la question ainsi formulée « Quand  vous  pensez  à  votre  propre  fin  de  vie,  quels  sont, parmi  les points suivants, les deux qui vous semblent prioritaires ? », les réponses ont été les suivantes :

Ainsi, seuls 34% des sondés répondaient qu’ils souhaiteraient pouvoir obtenir l’euthanasie. Un chiffre bien loin du 95% obtenu par la réponse précédente, ce que souligne aujourd’hui Franceinfo dans un article comparant les deux sondages.

Pour l’auteur du sondage pour l’ADMD, Frédéric Dabi, « il s’agit d’une question historique ». C’est effectivement la même question qui est régulièrement posée par l’ADMD depuis de nombreuses années.

Henri de Soos, secrétaire général d’Alliance VITA et coordinateur du site d’écoute SOS fin de vie*, expliquait déjà en 2014 :

« En réalité, les Français ont à répondre à une question mal posée, à une forme de piège dialectique. Une question qui induit tellement la réponse que vous ne pouvez que dire oui, sauf à paraître complétement fou ou inconscient. Donc nous avons d’un côté des « souffrances insupportables », et de l’autre une solution « sans souffrance ». On répète l’opposition des situations extrêmes avec insistance, deux fois dans la même question : dites-moi, connaissez-vous beaucoup de personnes qui accepteraient de subir l’insupportable ? Par principe, si une situation ne peut être supportée, il faut y mettre fin immédiatement. Ce n’est pas 92 ou 96% des Français qui devraient répondre oui, mais 100% ! Nous sommes donc devant un choix truqué, une manipulation à visée idéologique qui retire toute valeur probante à ce sondage, comme à ceux des années précédentes. »

Henri de Soos ajoute aujourd’hui : « Cette insistance de l’ADMD à toujours poser la même question biaisée ne doit pas faire illusion. Apaiser les douleurs en fin de vie a toujours été un objectif médical et social, et il est faux d’affirmer que seule l’euthanasie permettrait de mettre fin à des souffrances persistantes. C’est pourquoi Alliance VITA demande un plan ambitieux de développement des soins palliatifs et a fortement mis en cause le manque d’action au cours de ce quinquennat : le gouvernement ne s’est décidé à présenter que fin 2015 un plan d’action en dessous des besoins réels, après trois ans d’inaction coupable. Les soins palliatifs et un accompagnement humain de qualité restent les meilleures réponses aux angoisses des Français sur leur fin de vie. L’interdit de tuer protège les citoyens, spécialement les plus vulnérables : ce principe doit demeurer le pilier fondateur de la confiance soignants-soignés auxquels les Français restent très attachés. »

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* SOS Fin de vie

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