Montrez ce sein, pour voir !

09/01/2012

L’affaire des implants mammaires a fait prendre conscience de l’extension mondiale de la chirurgie plastique. Au-delà du scandale de ces prothèses défectueuses, on découvre que des centaines de milliers de femmes se font transformer, pour des motifs qui dépassent l’indication médicale ou la réparation incontestable.

Pourquoi ? La question est-elle naïve ?

Il ne s’agit pas d’évoquer les 20 % des opérations reconstructrices après un cancer du sein mais des autres femmes (80%) qui décident de subir cette intervention chirurgicale pour des raisons esthétiques.

Est-il si difficile d’accepter son corps ? Pourquoi cet endroit-là plutôt qu’un autre ? N’est-ce pas faire grand cas de l’apparence ?

Un chirurgien plastique interrogé fait tomber certains préjugés.

La praticienne explique d’abord que la chirurgie plastique mammaire est parfois légitimée par des anomalies : importantes asymétries ou autres particularités qui compliquent vraiment la vie quotidienne. Il faut ranger dans cette catégorie des seins excessivement volumineux qui peuvent interdire la pratique sportive, provoquer des maux de dos etc. Ces interventions peuvent être réalisées dès l’adolescence et toutes sont légitimement prises en charge par l’assurance maladie, au même titre que l’ablation des dents de sagesse. Mais les autres demandes concernent soit une diminution, soit surtout une augmentation – avec pose de prothèses – moins objectivement nécessaire, que, pourtant, des femmes désirent ardemment.

Le médecin insiste sur deux points :

– D’abord les femmes qui font appel à ses services sont « tout ce qu’il y a de plus équilibré psychiquement ».

– Ensuite, leur désir de changer est intense, souvent lié à d’importantes souffrances.

Pourquoi les seins ? Parce que c’est pour elles, le signe par excellence de la féminité. Qu’elles en manquent ou qu’elles se sentent au contraire gênées par leur volume, leur malaise peut être grand.

Ne peut-on tout de même suspecter une vulnérabilité au regard de l’autre ? La praticienne répond qu’il s’agit davantage d’un regard sur soi. Et elle précise à l’appui de ce constat que ses patientes – ou clientes – font partie des femmes qui soignent leur apparence corporelle et vestimentaires. Et de défendre les techniques qui permettent d’effacer rides ou bourrelets disgracieux.

De nombreuses femmes éprouvent donc le besoin de changer leur corps pour se sentir soulagées et libérés. Doit-on accuser les obsessions masculines de provoquer ces complexes ? Les femmes se sentent-elles à ce point détaillées comme objet sexuel ? Alors que la sénatrice Chantal Jouanno (UMP) prépare un rapport concernant l’hypersexualisation des petites filles, cette question mérite d’être posée.

Puisque la plupart des femmes faisant appel à la chirurgie plastique ne présentent en rien un tableau pathologique, le phénomène se révèle culturel. Certaines « normes » font intrusion très tôt dans l’existence au point que les personnes les plus équilibrées s’y soumettent, sans s’en rendre compte. A condition d’en avoir les moyens. Les choix qu’on pense individuels répondent à une injonction collective.

Cette analyse est corroborée par le fait qu’aux Etats-Unis ou en Amérique Latine où la mode des prothèses mammaires est « en avance », les faux seins siliconés sont d’une taille supérieure à celle demandée dans l’Hexagone. On les exhibe sur les plages comme signe de richesse. Là-bas, explique-t-on, il faut même que l’opération se voie, alors qu’en France la plupart des femmes préfèrent la discrétion. Au Brésil, c’est presque un rite initiatique : des parents aisés offrent à leur fille, pour ses quinze ans, les seins de ses rêves.

Bien sûr, de même qu’un nez tordu peut légitimement se redresser (à moins de faire tout le charme d’un visage), une jeune fille qui souffre trop de se sentir différente mérite une intervention correctrice. D’ailleurs, chacun peut se maquiller, se teindre ses cheveux, se faire remplacer une dent etc. Toute société a ses rites et ses codes corporels, les piercings dictés par la mode ne datant pas d’aujourd’hui.

Il reste que dans un monde à deux vitesses, où s’élargit la fracture entre riches et pauvres, le fait qu’avec la chirurgie esthétique puisse se répandre l’idée qu’il faut, pour une femme, paraître belle, jeune et saine quand on est riche, est troublant.

Qu’en pensent les féministes ?

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